Gérard Duprat

Ce long ( près de 500 pages) ouvrage écrit dans un style pour le moins daté, pour ne pas dire franchement insupportable, constitue un objet étrange. Ne représentant pas une véritable histoire de l’autogestion, quoiqu’il soit organisé sur le mode chronologique, il laisse la part belle aux digressions théoriques de l’auteur sur le contexte idéologique de l’autogestion (longs commentaires sur les décrets de mars ou la charte d’Alger par exemple) sans que cela n’aide non plus réellement à éclaircir cet aspect des choses. Continuer la lecture de « Gérard Duprat »

Claudine Chaulet

La Mitidja autogérée enquête sur les exploitations autogérées agricoles d’une région d’Algérie, 1968-1970, SNED, 1971

Fruit d’une enquête de plusieurs années dans les exploitations agricoles autogérées de l’arrière pays algérois, La Mitidja autogéree ( téléchargeable sur le site de l’indispensable bibliothèque en ligne jugurtha ) constitue une référence incontournable à plus d’un titre.
Et ce tout d’abord pour l’analyse qu’elle donne du fonctionnement du secteur agricole à l’époque coloniale, dont l’histoire est retracée de façon tout à la fois synthétique et analytique. Chaulet s’intéresse plus particulièrement au secteur viticole qui avait connu un développement vertigineux en Algérie à partir de la fin du XIXème, l’essor de cette agriculture « typiquement capitaliste » étant articulée à la « prolétarisation » des paysans algériens à travers le pays : « Le triomphe de la colonisation agricole de la plaine et l’extension du régime du salariat sont historiquement indissociables. La paupérisation des masses algériennes, et en particulier des paysans des régions non directement colonisées, a été un préalable à la constitution, dans les zones colonisées, d’une agriculture capitaliste à fort besoin de main d’oeuvre. » Les vagues successives de migration vers la Mitidja assurent la pérennité du « système d’exploitation adopté par les colons » qui « incluait cette disponibilité complète de la main d’oeuvre comme élément fondamental. » Continuer la lecture de « Claudine Chaulet »

Ian Clegg

Publié en 1971, Worker’s self management in Algeria, est l’un des très rares livres en anglais sur l’autogestion algérienne avec The Land To Those Who Work It « : Algeria’s Experiment in Workers ‘Management de Thomas L. Blair (que nous n’avons malheureusement pas pu nous procurer) et, dans certain sens, Eyes to the South : French anarchists and Algeria de David Porter qui, indispensable par bien des aspects, ne donne qu’un résumé succin de la trajectoire du secteur autogéré.  Le livre de Ian Clegg a en tout cas l’indéniable mérite, comparé à d’autres ouvrages, d’être synthétique et organisé autour d’une thèse claire : « Dans les années qui ont suivi l’indépendance, l’Algérie a été le théâtre d’une lutte continue pour le pouvoir entre la bourgeoisie nationale émergente et la classe ouvrière, avec la masse des paysans et des chômeurs comme spectateurs désabusés et paupérisés. L’autogestion se trouvait au coeur de ce conflit. Pour ses partisans, elle représentait non seulement les véritables acquis de l’indépendance mais aussi un mode révolutionnaire de résolution des véritables problèmes économiques de l’Algérie. Pour eux la solution résidait dans l’implication directe des travailleurs dans l’avenir du pays en leur donnant l’entièreté du pouvoir économique et politique. Au départ, le parti et l’État ont accepté ce prémisse tout en soulignant la nécessité d’un leadership; mais l’autogestion est vite devenue une menace pour leur hégémonie. Alors qu’ils s’avançaient de plus en plus fermement vers une conception centralisatrice du contrôle politique, les comités de gestion apparurent comme des obstacles anarchistes » Continuer la lecture de « Ian Clegg »

Jean Teillac

Parmi les premières tentatives de bilan de l’autogestion, la brochure de Jean Teillac publiée en 1965 par le Centre de Hautes Études Administratives sur l’Afrique et l’Asie Modernes, représente un point de vue « technocratique » assez classique.  L’auteur, qui s’abstient par exemple de donner une quelconque description du « legs colonial » facteur pourtant absolument déterminant de la situation, veut savoir quels sont les « résultats obtenus » alors même qu’au bout du compte il décrit relativement bien l’entre-deux complexe dans lequel se retrouve le secteur autogéré dans la période 1962-1965.

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Gérard Chaliand et Juliette Minces

L’Algérie indépendante, paru en 72, constituant une reprise enrichie de L’Algérie est-elle socialiste ? paru en 1964, nous traitons ensemble ces deux ouvrages.
Gérard Chaliand, après avoir milité pour l’indépendance du pays, en a vécu les deux premières années comme journaliste au quotidien Alger républicain, et a été le premier à dresser un constat sans concession de l’évolution du pays, avant même le coup d’État de Boumédiènne. Dans L’Algérie est-elle socialiste ? il décrit l’indépendance comme ayant été avant tout l’occasion d’une vaste « accumulation primitive » de biens par la petite et la grande bourgeoisie qui ont su profiter du vide laissé par les français, ces forces ayant ensuite investi l’État. Dans ce contexte l’autogestion devient vite une anomalie : « La contradiction essentielle réside dans la coexistence de l’autogestion avec un appareil d’État à idéologie, origines et aspirations bourgeoises tendant peu à peu à créer un capitalisme d’État. » L’armée semblant être destinée à devenir, comme ailleurs, le principal vecteur de l’établissement de ce capitalisme d’État : « Hostile par nature au capitalisme libéral dans lequel elle n’a pas d’intérêt direct, tout dans son comportement jusqu’ici indique qu’elle ne souhaite pas contribuer à l’édification du socialisme, reste la solution du capitalisme d’État, dont l’exemple le plus classique est l’Egypte nassérienne. » Pour Chaliand, si dés 1964 « les tenants de l’étatisation l’ont emporté » c’est du fait que «  durant les années de la guerre le contenu social de l’indépendance et de l’État à venir n’avait pas été posé » signe de l’absence d’un parti d’avant-garde, capable notamment de véritablement « animer l’autogestion ».

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« Les congrès » de l’autogestion

Toute la première phase de l’histoire de l’autogestion est jalonnée d’une série de congrès qui va, pour faire simple, du congrès de l’UGTA de janvier 1963 à celui de mars 1965. Lors du premier congrès du syndicat, les nouveaux dirigeants algériens organise un coup de force ( notamment décrit dans le livre Les années pieds-rouges de Catherine Simon p. 96-99) contre sa direction, qui venait de publier un rapport d’orientation (1) qui tenait à réaffirmer l’autonomie du mouvement ouvrier face au pouvoir. L’article de Jeanne Favret Saada « Les syndicats, les travailleurs et le pouvoir en Algérie » (2) décrit très bien la dynamique complexe de cette subordination de l’UGTA au FLN, qui reste pendant un temps assez relative comme le démontre les deux articles de La révolution prolétarienne sur les oppositions qui se sont manifestées avant et pendant le congrès de mars 1965 (3/4). Comme le constate Favret-Saada, alors que le régime n’a pas encore d’assises assez solides, «  Une certaine quantité d’autonomie syndicale paraît de toute façon être indispensable pour que soit rendue possible la soumission – ou une adhésion- d’ensemble. Elle est un détour nécessaire pour que l’autorité politique puisse réellement s’exercer sur les travailleurs. »
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Le bulletin de l’autogestion

La totalité des numéros du bulletin de l’autogestion sont disponibles sur l’incontournable site archives autonomies , dont nous reproduisons la présentation.

La plate-forme adoptée par le FLN lors de son premier congrès, en 1956, ne mentionne pas d’autre objectif que l’indépendance de l’Algérie, pour lequel il cherche à rassembler toutes les couches sociales de la population non coloniale. Mais pour certains de ses militants, en particulier de l’UGTA, sa centrale syndicale, et de la Fédération de France, il n’était pas
possible de séparer cet objectif de celui de la transformation de l’économie et de la société sur une nouvelle base, dans une perspective socialiste, comme l’évoque le programme adopté à Tripoli à la veille de l’indépendance.
Déjà – phénomène que n’avait pas prévu les accords d’Évian – des propriétaires, des patrons de l’industrie, ont quitté le pays, abandonnant leurs terres ou leurs entreprises, mettant en péril la subsistance de ceux qui y travaillent. Dans l’été, des comités de gestion se mettront en place pour en reprendre l’exploitation. Des décrets successifs, en particulier ceux de mars 1963,organiseront l’autogestion des domaines agricoles et des entreprises. Le FLN, lors de son deuxième congrès, en avril 1964, affirmera dans sa Charte d’Alger : « Le mouvement encouragé, institutionnalisé par le pouvoir, a abouti à l’actuel système de l’autogestion, caractéristique principale en Algérie de l’ouverture vers le socialisme. » Continuer la lecture de « Le bulletin de l’autogestion »

Les décrets de mars 1963

Communément qualifiés d’« historiques » les décrets de mars 1963 succèdent aux décrets d’octobre 1962 qui légalisaient les comités de gestion ayant pris le contrôle des entreprises agricoles et industrielles laissées vacantes par le départ des colons. Si les décrets d’octobre 62 avalisaient un état de fait, ceux de mars 63 organisent de façon détaillée la gestion des entreprises ainsi que la répartition d’éventuels bénéfices.

Fichier PDF : décrets de mars 1963

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L’autogestion et la doctrine du FLN

Il a souvent été noté que l’autogestion ne figurait pas dans le programme du FLN avant la libération du pays. De fait c’est plutôt un mouvement inverse qui s’est déroulé puisque cette initiative spontanée de travailleurs et de militants divers a été instituée à postériori comme un principe fondamental du « socialisme algérien ». On pourrait probablement même dire qu’elle est venue opportunément aider à combler un certain vide doctrinal. Les trois documents  théoriques majeurs de l’époque que nous publions ici ( tirés du site de la présidence algérienne, ils présentent pourtant de nombreuses fautes de frappe et d’orthographe) sont La Plate-forme de la Soummam adoptée le 20 aout 1956 lors du congrès clandestin du FLN tenue en Kabylie
, Le programme de Tripoli adopté par le Conseil National de la Révolution Algérienne à Tripoli en juin 1962 et enfin La charte d’Alger adoptée lors du congrès du FLN qui s’est tenu du 16 au 21 avril 1964.

FICHIERS PDF :

 PLATEFORME DE LA SOUMMAM

LE CONGRES DE TRIPOLI

 La Charte d’Alger

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