L’Ultra-gauche, le mouvement libertaire et l’autogestion en Algérie (III)

Les années 60 sont en général considérées comme une phase difficile dans l’histoire du mouvement libertaire français (cf., par exemple, le chapitre intitulé « Les années soixante : la traversée du désert » dans Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975 de Roland Biard), les nouveaux courants qui émergent ça et là se retrouvant souvent vite embourbés dans les querelles internes ou de chapelle, sans parvenir à faire avancer de véritable rénovation doctrinale et organisationnelle. David Porter, dans son livre Eyes to theSouth : French Anarchists and Algeria, ne peut qu’avaliser ce constat et ses effets, notamment le fait que l’expérience autogestionnaire algérienne est quasiment ignorée par la presse anarchiste de l’époque ( voir les parties II et III de son livre – nous n’évoquons pas le rôle joué par les libertaires dans la lutte de libération nationale qui est notamment l’objet du livre de Sylvain Pattieu Les camarades des frères)
Il y a tout de même trois exceptions : Daniel Guérin bien sûr, le groupe Noir et Rouge et dans une très moindre mesure l’Union des Groupes Anarchistes Communistes. Continuer la lecture de « L’Ultra-gauche, le mouvement libertaire et l’autogestion en Algérie (III) »

L’Ultra-gauche, le mouvement libertaire et l’autogestion en Algérie (II)

Informations et correspondances ouvrières

Autre courant issu de Socialisme et Barbarie, la revue « conseilliste » Informations et Correspondances Ouvrières n’a accordé que peu de place à l’autogestion algérienne dans ses pages. Les animateurs de la revue ne cachaient d’ailleurs pas leurs doutes lors d’une réponse à un lecteur au sujet des comités de gestion : « Nous n’avons aucun préjugé ni aucune indulgence pour ce que l’on essaie de faire en Algérie sous ce nom. Il y a déjà eu de par le monde tant de mystifications sous l’étiquette « conseils ouvriers » ou « gestion ouvrière » que nous gardons la tête froide et critique en regard de ce qui est en Algérie une construction du pouvoir d’État. Nous ne versons pas de pleurs sur les colons (…) mais nous ne pavoisons pas non plus parce que l’on sort le mot magique « comités de gestion ». Au contraire, à partir du moment où l’on nous en parle nous posons les questions suivantes : Continuer la lecture de « L’Ultra-gauche, le mouvement libertaire et l’autogestion en Algérie (II) »

L’Ultra-gauche, le mouvement libertaire et l’autogestion en Algérie (I)

Précision malheureusement obligatoire de nos jours : nous recouvrons sous le terme générique « ultra-gauche » les différents courants de la gauche communiste, non ou anti-léniniste ( voir  Trajectoire d’une balle dans le pied. Histoire critique de l’ultra-gauche republié récemment par Senonevero).

Jean François Lyotard dans Socialisme ou Barbarie

Léger paradoxe, on peut difficilement donner un aperçu de la position de l’« ultra-gauche » sur l’indépendance algérienne et l’expérience autogestionnaire sans commencer par évoquer la série d’articles publiés par Jean François Lyotard dans Socialisme ou Barbarie ( et reprise dans le volume La guerre des Algériens publié par Galilée ) alors que pourtant l’autogestion n’y est pas mentionnée une seule fois… Les quatre articles, allant de 1960 à 1963 sur lesquels nous nous penchons, constituent pourtant une des analyses les plus éclairantes de la lutte d’indépendance, de son évolution et de l’impact de ses contradictions et limites sur la situation du pays après la libération. Continuer la lecture de « L’Ultra-gauche, le mouvement libertaire et l’autogestion en Algérie (I) »

L’autogestion algérienne dans la revue autogestion

L’ensemble de la revue est consultable sur le site archives autonomies
Nous avons extrait ici les articles qui portent spécifiquement sur l’autogestion en Algérie.

Le premier numéro de la revue contient un article de Yves Sartan « Perspectives de l’autogestion en Algérie » ( PDF : autogestion-n01) , écrit après le coup d’État de juin 1965 et qui fait preuve d’une grande lucidité quant à la situation du secteur autogéré. Pour l’auteur, la prise de pouvoir de Boumédiènne ne change  pas grand chose puisque les mêmes obstacles persistent ( Concurrence du secteur capitaliste, inadaptation des structures de l’État postcolonial, bureaucratisation interne et externe, etc) et qu’au bout du compte on en reste à l’aporie d’un double pouvoir fortement asymétrique : « Trop faible pour briser le vieil appareil d’Etat et pour le remodeler en fonction de ses intérêts historiques et de ceux de la paysannerie pauvre ignorée depuis l’indépendance, le prolétariat algérien n’a pu que faire entendre sa voix. Maître d’un large secteur économique, il y a été confiné ; les grandes décisions (rythme des nationalisations, réforme agraire, planification, etc.) échappent à son contrôle et à sa volonté. (…) Comme auparavant, mais de façon plus nette, la séparation subsiste entre la sphère de l’économie et celle de l’Etat. Promus autogestionnaires, les travailleurs algériens n’ont pas la possibilité de dépasser le simple cadre économique. L’ « autonomie de gestion » est dans ce contexte une arme à double tranchant ; d’une part, l’unité autogérée semble être préservée, du moins en droit, de l’intervention de la bureaucratie d’Etat dans ses affaires, d’un autre côté, cette « autonomie » ne résout en rien les contradictions déjà analysées de la gestion ouvrière en Algérie : concurrence sur le marché, commercialisation anarchique, absence de plan économique. L’autogestion n’a en fait une possibilité de survivre que si l’économie dans son ensemble ainsi que l’Etat sont contrôlés et dirigés par les travailleurs. » Continuer la lecture de « L’autogestion algérienne dans la revue autogestion »

« Les congrès » de l’autogestion

Toute la première phase de l’histoire de l’autogestion est jalonnée d’une série de congrès qui va, pour faire simple, du congrès de l’UGTA de janvier 1963 à celui de mars 1965. Lors du premier congrès du syndicat, les nouveaux dirigeants algériens organise un coup de force ( notamment décrit dans le livre Les années pieds-rouges de Catherine Simon p. 96-99) contre sa direction, qui venait de publier un rapport d’orientation (1) qui tenait à réaffirmer l’autonomie du mouvement ouvrier face au pouvoir. L’article de Jeanne Favret Saada « Les syndicats, les travailleurs et le pouvoir en Algérie » (2) décrit très bien la dynamique complexe de cette subordination de l’UGTA au FLN, qui reste pendant un temps assez relative comme le démontre les deux articles de La révolution prolétarienne sur les oppositions qui se sont manifestées avant et pendant le congrès de mars 1965 (3/4). Comme le constate Favret-Saada, alors que le régime n’a pas encore d’assises assez solides, «  Une certaine quantité d’autonomie syndicale paraît de toute façon être indispensable pour que soit rendue possible la soumission – ou une adhésion- d’ensemble. Elle est un détour nécessaire pour que l’autorité politique puisse réellement s’exercer sur les travailleurs. »
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Le bulletin de l’autogestion

La totalité des numéros du bulletin de l’autogestion sont disponibles sur l’incontournable site archives autonomies , dont nous reproduisons la présentation.

La plate-forme adoptée par le FLN lors de son premier congrès, en 1956, ne mentionne pas d’autre objectif que l’indépendance de l’Algérie, pour lequel il cherche à rassembler toutes les couches sociales de la population non coloniale. Mais pour certains de ses militants, en particulier de l’UGTA, sa centrale syndicale, et de la Fédération de France, il n’était pas
possible de séparer cet objectif de celui de la transformation de l’économie et de la société sur une nouvelle base, dans une perspective socialiste, comme l’évoque le programme adopté à Tripoli à la veille de l’indépendance.
Déjà – phénomène que n’avait pas prévu les accords d’Évian – des propriétaires, des patrons de l’industrie, ont quitté le pays, abandonnant leurs terres ou leurs entreprises, mettant en péril la subsistance de ceux qui y travaillent. Dans l’été, des comités de gestion se mettront en place pour en reprendre l’exploitation. Des décrets successifs, en particulier ceux de mars 1963,organiseront l’autogestion des domaines agricoles et des entreprises. Le FLN, lors de son deuxième congrès, en avril 1964, affirmera dans sa Charte d’Alger : « Le mouvement encouragé, institutionnalisé par le pouvoir, a abouti à l’actuel système de l’autogestion, caractéristique principale en Algérie de l’ouverture vers le socialisme. » Continuer la lecture de « Le bulletin de l’autogestion »

Les décrets de mars 1963

Communément qualifiés d’« historiques » les décrets de mars 1963 succèdent aux décrets d’octobre 1962 qui légalisaient les comités de gestion ayant pris le contrôle des entreprises agricoles et industrielles laissées vacantes par le départ des colons. Si les décrets d’octobre 62 avalisaient un état de fait, ceux de mars 63 organisent de façon détaillée la gestion des entreprises ainsi que la répartition d’éventuels bénéfices.

Fichier PDF : décrets de mars 1963

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L’autogestion et la doctrine du FLN

Il a souvent été noté que l’autogestion ne figurait pas dans le programme du FLN avant la libération du pays. De fait c’est plutôt un mouvement inverse qui s’est déroulé puisque cette initiative spontanée de travailleurs et de militants divers a été instituée à postériori comme un principe fondamental du « socialisme algérien ». On pourrait probablement même dire qu’elle est venue opportunément aider à combler un certain vide doctrinal. Les trois documents  théoriques majeurs de l’époque que nous publions ici ( tirés du site de la présidence algérienne, ils présentent pourtant de nombreuses fautes de frappe et d’orthographe) sont La Plate-forme de la Soummam adoptée le 20 aout 1956 lors du congrès clandestin du FLN tenue en Kabylie
, Le programme de Tripoli adopté par le Conseil National de la Révolution Algérienne à Tripoli en juin 1962 et enfin La charte d’Alger adoptée lors du congrès du FLN qui s’est tenu du 16 au 21 avril 1964.

FICHIERS PDF :

 PLATEFORME DE LA SOUMMAM

LE CONGRES DE TRIPOLI

 La Charte d’Alger

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