Monique Laks

Nous avons fait réaliser un fac similé du livre.

La version pdf est disponible ici

La version e-pub est disponible là  (version corrigée merci à la bibliothèque en ligne  jugurtha pour le coup de main !)

Publié en 1970, le livre de Monique Laks constitue à notre humble avis la meilleure analyse disponible sur le phénomène autogestionnaire algérien. Originaire de Tunisie, cette militante trotskyste proche de la tendance majoritaire de la IV ème internationale ( c’est à dire de Pierre Frank et de Ernest Mandel et donc opposée à Michel Raptis/Pablo) a pu mener une enquête de fond sur le secteur industriel autogéré tout en gardant une distance critique vis à vis du pouvoir et de son discours. Elle sera d’ailleurs obligée de fuir le pays après le coup d’État de juin 1965.

Un des principaux animateurs du Bulletin de l’autogestion et auteur d’un témoignage essentiel sur les débuts de l’autogestion ( D’Alger à Mai 68, mes années de révolution), François Cerutti nous a écrit pour nous donner quelques précisions :

« J’ai très bien connu Monique Laks en Algérie comme je vous l’avais dit dans nos précédents contacts c’est pourquoi je relève une erreur la concernant. Elle n’est pas née en Tunisie comme vous l’écrivez. En fait elle était la compagne de Michel Mazière, déserteur de l’armée française au cours de la guerre d’Algérie. Michel Mazière étant réfugié en Tunisie Monique Laks est venue le rejoindre. En fait Monique Laks est née à Paris d’une famille dont le nom indique une origine en Europe centrale. J’ajoute qu’elle a, durant son séjour en Tunisie, fait une étude, avec enquête sur le terrain, de la pratique de l’utilisation et du partage de l’eau dans les oasis dans le sud tunisien. C’était un élément important dans les réflexions que nous avions concernant des pratiques collectives et démocratiques dans les milieux agricoles de l’Afrique du Nord. C’est une des raisons qui a orienté notre compréhension de l’expérience autogestionnaire en Algérie comme ayant des racines dans des pratiques, alors,  toujours vivantes de démocratie villageoise. C’est pourquoi aussi j’ai trouvé que les idées sur la « classe ouvrière algérienne manquant de conscience politique » ne cernaient pas suffisamment le comportement des acteurs de cette période autogestionnaire dans le livre de Damien Hélie. »

Continuer la lecture de « Monique Laks »

Ahmed Mahsas

Ce livre est téléchargeable sur le site de la très riche bibliothèque en ligne jugurtha.

Ancien directeur de l’Office Nationale de la Réforme Agraire, l’organisme qui chaperonnait l’autogestion agricole, ancien ministre de l’agriculture et partisan malheureux du président Ben Bella, Ahmed Mahsas n’a en général pas très bonne presse. Ainsi Gérard Chaliand et Juliette Minces écrivent à son sujet : « Ahmed Mahsas a largement concouru à saboter l’autogestion en multipliant les entraves bureaucratiques et en appuyant la création de la Fédération Nationale des Travailleurs de la Terre, constituée, en grande partie, de fonctionnaires. » ( in L’Algérie indépendante). C’est notamment lui qui est à l’origine de la tentative de congrès fantoche de l’autogestion agricole de 1964 qui tourna, au grand dam des ses instigateurs, en mise en accusation de la bureaucratie. Dans le récit qu’il en donne ( p.191-200), Mahsas dénonce d’ailleurs l’instrumentalisation des « légitimes critiques » émises par les travailleurs de la terre par les « éléments de tendances marxisantes » voire, pire, anti-islamiques ( « Certains syndicalistes qui n’avaient jamais connu ce qu’était le travail prétendaient donner des leçons aux travailleurs qu’ils considéraient comme rétrogrades parce qu’ils bâtissaient des mosquées et faisaient apprendre le Coran à leurs enfants. ») Continuer la lecture de « Ahmed Mahsas »

Serge Koulytchisky

Le livre très fourni de Serge Koulytchizky paru en 1974 ( et téléchargeable sur le site de l’indispensable bibliothèque en ligne jugurtha ) a fait l’objet d’une longue recension critique par Jacques Peyrega, parue dans le trentième numéro de la revue Autogestion, nous la reproduisons ci-dessous.
Si nous sommes d’accord avec Peyrega sur le défaut majeur de l’ouvrage de Koulytchizky, c’est à dire l’absence d’une élaboration théorique préalable, qui l’amène même à croire à la possibilité d’une revitalisation par le haut de l’autogestion au début des années 70, il faut toutefois bien admettre que l’autogestion algérienne constitue un objet pour le moins retors.
Nous voudrions par contre rendre justice à la distinction opérée par l’auteur entre les conceptions « municipalistes » et « préfectoralistes » de l’autogestion, car elle permet de mieux cerner la démarche de la gauche de l’appareil d’État dans les années 62-65. Continuer la lecture de « Serge Koulytchisky »

Gérard Duprat

Ce long ( près de 500 pages) ouvrage écrit dans un style pour le moins daté, pour ne pas dire franchement insupportable, constitue un objet étrange. Ne représentant pas une véritable histoire de l’autogestion, quoiqu’il soit organisé sur le mode chronologique, il laisse la part belle aux digressions théoriques de l’auteur sur le contexte idéologique de l’autogestion (longs commentaires sur les décrets de mars ou la charte d’Alger par exemple) sans que cela n’aide non plus réellement à éclaircir cet aspect des choses. Continuer la lecture de « Gérard Duprat »

Claudine Chaulet

La Mitidja autogérée enquête sur les exploitations autogérées agricoles d’une région d’Algérie, 1968-1970, SNED, 1971

Fruit d’une enquête de plusieurs années dans les exploitations agricoles autogérées de l’arrière pays algérois, La Mitidja autogéree ( téléchargeable sur le site de l’indispensable bibliothèque en ligne jugurtha ) constitue une référence incontournable à plus d’un titre.
Et ce tout d’abord pour l’analyse qu’elle donne du fonctionnement du secteur agricole à l’époque coloniale, dont l’histoire est retracée de façon tout à la fois synthétique et analytique. Chaulet s’intéresse plus particulièrement au secteur viticole qui avait connu un développement vertigineux en Algérie à partir de la fin du XIXème, l’essor de cette agriculture « typiquement capitaliste » étant articulée à la « prolétarisation » des paysans algériens à travers le pays : « Le triomphe de la colonisation agricole de la plaine et l’extension du régime du salariat sont historiquement indissociables. La paupérisation des masses algériennes, et en particulier des paysans des régions non directement colonisées, a été un préalable à la constitution, dans les zones colonisées, d’une agriculture capitaliste à fort besoin de main d’oeuvre. » Les vagues successives de migration vers la Mitidja assurent la pérennité du « système d’exploitation adopté par les colons » qui « incluait cette disponibilité complète de la main d’oeuvre comme élément fondamental. » Continuer la lecture de « Claudine Chaulet »

Ian Clegg

Publié en 1971, Worker’s self management in Algeria, est l’un des très rares livres en anglais sur l’autogestion algérienne avec The Land To Those Who Work It « : Algeria’s Experiment in Workers ‘Management de Thomas L. Blair (que nous n’avons malheureusement pas pu nous procurer) et, dans certain sens, Eyes to the South : French anarchists and Algeria de David Porter qui, indispensable par bien des aspects, ne donne qu’un résumé succin de la trajectoire du secteur autogéré.  Le livre de Ian Clegg a en tout cas l’indéniable mérite, comparé à d’autres ouvrages, d’être synthétique et organisé autour d’une thèse claire : « Dans les années qui ont suivi l’indépendance, l’Algérie a été le théâtre d’une lutte continue pour le pouvoir entre la bourgeoisie nationale émergente et la classe ouvrière, avec la masse des paysans et des chômeurs comme spectateurs désabusés et paupérisés. L’autogestion se trouvait au coeur de ce conflit. Pour ses partisans, elle représentait non seulement les véritables acquis de l’indépendance mais aussi un mode révolutionnaire de résolution des véritables problèmes économiques de l’Algérie. Pour eux la solution résidait dans l’implication directe des travailleurs dans l’avenir du pays en leur donnant l’entièreté du pouvoir économique et politique. Au départ, le parti et l’État ont accepté ce prémisse tout en soulignant la nécessité d’un leadership; mais l’autogestion est vite devenue une menace pour leur hégémonie. Alors qu’ils s’avançaient de plus en plus fermement vers une conception centralisatrice du contrôle politique, les comités de gestion apparurent comme des obstacles anarchistes » Continuer la lecture de « Ian Clegg »

Jean Teillac

Parmi les premières tentatives de bilan de l’autogestion, la brochure de Jean Teillac publiée en 1965 par le Centre de Hautes Études Administratives sur l’Afrique et l’Asie Modernes, représente un point de vue « technocratique » assez classique.  L’auteur, qui s’abstient par exemple de donner une quelconque description du « legs colonial » facteur pourtant absolument déterminant de la situation, veut savoir quels sont les « résultats obtenus » alors même qu’au bout du compte il décrit relativement bien l’entre-deux complexe dans lequel se retrouve le secteur autogéré dans la période 1962-1965.

Continuer la lecture de « Jean Teillac »

Gérard Chaliand et Juliette Minces

L’Algérie indépendante, paru en 72, constituant une reprise enrichie de L’Algérie est-elle socialiste ? paru en 1964, nous traitons ensemble ces deux ouvrages.
Gérard Chaliand, après avoir milité pour l’indépendance du pays, en a vécu les deux premières années comme journaliste au quotidien Alger républicain, et a été le premier à dresser un constat sans concession de l’évolution du pays, avant même le coup d’État de Boumédiènne. Dans L’Algérie est-elle socialiste ? il décrit l’indépendance comme ayant été avant tout l’occasion d’une vaste « accumulation primitive » de biens par la petite et la grande bourgeoisie qui ont su profiter du vide laissé par les français, ces forces ayant ensuite investi l’État. Dans ce contexte l’autogestion devient vite une anomalie : « La contradiction essentielle réside dans la coexistence de l’autogestion avec un appareil d’État à idéologie, origines et aspirations bourgeoises tendant peu à peu à créer un capitalisme d’État. » L’armée semblant être destinée à devenir, comme ailleurs, le principal vecteur de l’établissement de ce capitalisme d’État : « Hostile par nature au capitalisme libéral dans lequel elle n’a pas d’intérêt direct, tout dans son comportement jusqu’ici indique qu’elle ne souhaite pas contribuer à l’édification du socialisme, reste la solution du capitalisme d’État, dont l’exemple le plus classique est l’Egypte nassérienne. » Pour Chaliand, si dés 1964 « les tenants de l’étatisation l’ont emporté » c’est du fait que «  durant les années de la guerre le contenu social de l’indépendance et de l’État à venir n’avait pas été posé » signe de l’absence d’un parti d’avant-garde, capable notamment de véritablement « animer l’autogestion ».

Continuer la lecture de « Gérard Chaliand et Juliette Minces »