Les féministes contre le harcèlement sexuel en Chine (3)

Nous continuons la publication de traductions de textes féministes chinoises au sujet du harcèlement sexuel. Ce texte, toujours tiré du site Chuang, est précédé ici d’une présentation par un des animateurs du site :  

« Nous avons décidé de traduire ce texte du chinois pour plusieurs raisons. Depuis que les « cinq féministes » ont été incarcérées pendant 37 jours au début de 2015, le harcèlement sexuel dans les transports publics est devenu un enjeu central pour les féministes et d’autres activistes en Chine. Comme cela a été raconté dans l’article de Peng X « Nous devrions tous être féministes ? La répression, la récupération et les nouveaux métros réservés aux femmes en Chine », l’année dernière les féministes du Guangdong ont levé des fonds et conçu des affiches pour attirer l’attention sur ce problème, mais toutes leurs propositions furent rejetées par les autorités des transports publics. Les activistes ont répondu en portant elles-mêmes les affiches dans une campagne intitulée #jesuisuneaffichequimarche, campagne qui leur a valu la visite de la police et même l’expulsion de leur logement. Dans le même temps, l’État a tacitement essayé d’apaiser les préoccupations montantes concernant ce problème que reflétait l’activisme féministe, en introduisant des « wagons prioritaires pour les femmes » dans deux villes et des bus réservés aux femmes dans une autre- quoique les médias aient expliqué que cela s’adressait en priorité aux femmes enceintes et aux mères de famille. Comme le soulignait sardoniquement une féministe « leur principale préoccupation ce n’est pas nous mais nos enfants, ceux que nous portons dans notre ventre, ou que nous aurons dans le futur. »

Les féministes ont répondu aux nouveaux wagons de deux manières différentes qui reflètent une division entre celles qui défendent une extension de l’État de droit et celles qui se concentrent sur la défense de l’action directe comme moyen de « construire une société en accord avec les objectifs de libération des femmes »- comme le résume le texte traduit ci dessus. Une des « cinq féministes » a écrit une critique des wagons réservés aux femmes pour Tootopia, une plate-forme gauchiste populaire qui s’adresse prioritairement aux étudiants. Elle y écrit que cette politique montre que l’État se préoccupe du droit des femmes, mais que cette préoccupation devrait se porter sur l’amélioration des lois et des mesures de maintien de l’ordre, notamment un plus grand usage des caméras de surveillance. Au contraire, l’article qui suit (publié sur une autre plate-forme appelée Jianjiao, qui s’adresse aux travailleuses migrantes) avance que cette politique semble au mieux exprimer des préoccupations non pour les femmes mais pour leurs enfants, et au pire vise à renforcer les rôles traditionnels de genre tandis que l’État, de l’ autre côté, harcèle chez elles les féministes.

Cet article est nouvel exemple de cette approche plus critique et radicale du féminisme en Chine aujourd’hui. Non seulement il appelle à l’action directe comme moyen d’intervention sociale et il fournit des suggestions spécifiques pour l’auto-défense des femmes (recommandant le Wing Chun –un art martial chinois traditionnel, originaire du Sud de la Chine, destiné au combat rapproché, incluant des techniques à mains nues et le maniement d’armes- comme particulièrement approprié à cet effet).

Il fournit aussi un aperçu de la vision du monde de beaucoup de jeunes de gauche, citant le jeune Mao Zedong en même temps que les YPJ de Rojava. Cet article est aussi un bon exemple des façons dont la gauche contemporaine en Chine opère sous l’hégémonie d’un maoïsme latent (quoique relativement défini). Dans ce climat politique, les termes et anecdotes de l’ère révolutionnaire servent toujours de « lingua franca » parmi les activistes à travers tout le spectre politique. Dans ce cas précis, le style de l’original imite beaucoup d’aspects des écrits de l’ère socialiste ce qui rend la traduction difficile.        Peng X

Étudiez le coup de pied dans les xxxxxx et utilisez le pour vous défendre contre le harcèlement sexuel !

Il y a quelques jours, je suis tombé par hasard sur un article de journal intitulé « Une jeune femme voyageant dans le métro attaquée par surprise par un pervers (Selang en chinois), poste un selfie prouvant que sa tenue était décente. (Voir les illustrations et vidéos de l’article d’origine sur le site de Chuang). Après avoir été agressées ainsi, les victimes doivent elles poster des selfies attestant de leur pudeur ?

Cela revient au même que de dire que les ouvriers exploités par leur patron devraient méticuleusement rendre compte de leurs heures et de leur expérience au travail, pour prouver qu’ils s’adaptent pleinement aux exigences de l’esclavage salarié capitaliste. Cela montrerait qu’ils travaillent effectivement comme de bons esclaves mais que leur propriétaire particulier est juste plus détestable que le négrier habituel et qu’ils n’ont donc d’autre choix que de défendre leurs maigres droits.

Quelle blague ridicule ! Corsetées dans un environnement social qui présuppose le consentement tacite, toutes les victimes de harcèlement sexuel vont automatiquement mettre en cause leur propre absence de pudeur. Mais même si la victime peut se prouver « pure », il y aura toujours des gens pour dire : « Elle ne fait ça que pour attirer l’attention. »

Des gens comme cela ont dévoilé chez moi une violence bien enfouit que j’ignorais moi-même ! Et il y a tant de ces salopards ! Juste ce qu’il faut pour s’entraîner à la boxe !

La meilleure méthode pour faire face aux hommes qui harcèlent les femmes ainsi c’est Certainement, de les battre jusqu’à la lisière de la mort !

Dans la vraie vie néanmoins, beaucoup de femmes manquent d’expérience en terme de combat. De plus, les hommes qui les harcèlent ont l’avantage en termes de constitution et de force physique. Sans compétence dans le domaine du combat, toute tentative de résister à la force par la force ne pourra se faire qu’à notre détriment.

Mais le développement de toute chose est dialectique. Xu Laofeng, un des scénaristes de film de Yip Man The Grandmaster, a dit une fois que durant les compétitions d’arts martiaux de l’ère pré-moderne, les maîtres de boxe avaient peur de voir les femmes participer à la compétition. C’était parce qu’ayant un désavantage physique, les femmes chercheraient des méthodes pour attraper par surprise leur adversaire, cherchant à tuer avec le moindre geste.

Soeurs, si vous croisez un selang, votre rage doit être inébranlable. Mais souvenez-vous : quand vous les frappez, ne visez pas le visage. Ce n’est pas pour leur permettre de sauver la face, mais plutôt car frapper au visage ne confère qu’un avantage psychologique, sans faire beaucoup de mal.

Dans l’image ci dessus, dès que cette femme est attaquée, elle engage bravement une contre-attaque. Mais elle commet aussi l’erreur la plus courante des personnes prises dans un combat : elle utilise le chapeau du selang pour le gifler. Non seulement ça ne lui fait aucun mal, mais elle laisse passer l’occasion de l’attaquer par surprise, ce qui permet au harceleur de préparer sa réponse.

Quand on se confronte à ces gens, la première règle c’est d’être aussi vif que l’éclair. Vous devez rapidement, implacablement et avec précision vous concentrer sur ces objectifs : les yeux ! Le nez ! La gorge ! Les parties génitales ! Quand tout échoue même piétiner le gros orteil de votre agresseur vous donnera l’avantage.

Pour un exemple,, regardez cette vidéo sud-coréenne sur l’auto-défense face au harcèlement. Peu importe que vous ne puissiez pas lire les sous-titres, le principe est simplement de prendre avantage du moment où le selang sera pris au dépourvu, attaquer l’entrejambe, frapper le nez et la gorge et saisir ensuite l’opportunité de fuir.

Bien sûr, en réalité le selang peut avoir une expérience en matière d’auto-défense. Dans ces situations, à part l’attaque des cibles vitales, nous devons avoir une technique supérieure, empêcher l’assaillant de garder son centre de gravité et protéger nos propres points faibles. (…)

Vu que les selang commettent le plus souvent leur agression dans les transports publics nous recommandons à nos sœurs d’étudier l’art élégant du Wing Chun et la vitesse et souplesse qu’il permet.

Dans les transports publics, l’espace est relativement restreint et le selang prend avantage de la foule pour couvrir leurs crimes. Dans un tel environnement, les avantages du corps masculin sont amoindris. Quand une lutte se déclenche, il devient difficile de jouer des coudes ou de balancer un grand coup, alors que c’est souvent le premier recours des hommes. L’attaque selon les méthodes du Wing Chun produit d’excellents résultats dans un tel espace bondé.

Pourquoi entraîner son corps ? Le corps est le moyen de la révolution !

Pour se défendre contre le harcèlement sexuel, prôner seulement que les femmes fasse de l’entrainement physique n’est pas une solution réaliste. Dans le même temps comme l’a dit le président Mao : « Civilisez votre esprit, mais rendez sauvage votre corps ! »

A ses débuts, le président Mao se baignait dans les eaux glacées et voyageait à pied à travers le Hunan. D’un côté, cela lui donna une expérience de première main et accrue son savoir. De l’autre, il testa la résilience de sa volonté. Cela lui procura des informations substantielles qui justifièrent par la suite la ligne du parti «  d’encerclement des villes par les campagnes », tout en consolidant la confiance qui sera nécessaire à l’armée rouge pour survivre à la longue marche.

L’entraînement physique n’est pas du tout en contradiction avec un mouvement de libération des femmes et de destruction du patriarcat. Le harcèlement sexuel lui même n’est simplement qu’une expression de la position supérieure qu’occupe les hommes par rapport aux femmes à la fois socialement et individuellement.

(…) Dans la sphère privée, les femmes ont longtemps été découragées de participer à des activités physiques. Au contraire, elles devaient se comporter comme des « filles », c’est à dire qu’elles devaient être douces, calmes et obéissantes. Dans de telles conditions, il est évident que le fossé entre les aptitudes physiques des hommes et de femmes ne pouvait que se creuser.

Défendre uniquement l’entrainement physique des femmes tout en ignorant leurs droits sociaux est bien évidemment inacceptable. Mais inversement, se concentrer uniquement sur la lutte pour les droits sociaux en négligeant de développer la capacité de combat des femmes, quoique probablement « politiquement correct », les rendra néanmoins incapables défendre les acquis de la lutte.

La vidéo ci-dessous (ibid) montre les Unités de Défense de Rojava au nord de la Syrie. Ces femmes sont un des piliers qui soutiennent la Fédération Démocratique du nord de la Syrie. Tous les droits qu’elles ont obtenues, l’ont été grâce à une capacité de combat pratique. Et les ennemis patriarcaux les plus communs que ces femmes ont affronté n’étaient pas des hommes grossiers dans les transports publics mais des terroristes de l’État Islamique armés jusqu’au dent.

Comme elles, en menant nos propres batailles nous devrons démontrer notre force car comme l’a écrit Simone de Beauvoir « On ne nait pas femme, on le devient ».

Mais à Rojava, le but des luttes des femmes n’est pas d’obtenir de nouveaux droits, d’avoir plus de dirigeants femmes ou d’élire une femme présidente. Non, ces femmes détiennent elle même le pouvoir et ont donc l’opportunité de construire une société nouvelle qui soit effectivement en accord avec les buts de la libération de la femme.

La propre capacité de combat des femmes est extrêmement importante. Si nous ne pouvons pas mettre fin aux agissements de quelques selangs, comment pouvons nous espérer détruire le patriarcat qui domine le monde depuis des millénaires ?

Sur le même thème, on peut notamment utilement se reporter à :

From Kung Fu to Hip Hop. Globalization, Revolution, and Popular Culture de M.T.Kato

Everybody Was Kung Fu Fighting. Afro-Asian Connections and the Myth of Cultural Purity de Vijay Prashad

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