Quelques jalons de l’histoire des législations sur le viol en Chine

«  Le viol est entré dans la loi par la porte de derrière, comme un forme de crime contre la propriété d’un homme commis par un autre homme. La femme étant vue, bien évidemment, comme une propriété. » Susan Brownmiller Against our Will. Men, Women and Rape

Suivre l’évolution des lois réprimant (quoiqu’en Chine comme partout ailleurs jusqu’à la fin du XX ème, le terme « encadrer » semble plus juste) le viol permet d’éclairer certains aspects spécifiques du « système patriarcal » chinois et de ses évolutions. Nous donnons ici quelques jalons. Lire la suite « Quelques jalons de l’histoire des législations sur le viol en Chine »

«Les barbares aux longs pieds » du « Royaume céleste de la grande Paix »  Les femmes dans la rébellion Taiping

Le grand soulèvement millénariste dit des « Taiping » qui secoua la Chine de 1850 à 1863 et dont la répression fit, selon certaines estimations, près de 20 millions de morts, a constitué un jalon non négligeable dans l’histoire des luttes d’émancipation des femmes en Chine. Nous donnons ici un aperçu de quelques uns de ces aspects.

Les Hakka

Le mouvement naquit dans un village du Guangxi à l’instigation de Hong Xiuquan qui affirma avoir eu la révélation en rêve qu’il était le frère cadet de Jesus et qu’il devait libérer la Chine de l’oppression mandchoue et occidentale. Hong, ainsi que la plupart des dirigeants et plus généralement des participants à l’insurrection, était un Hakka, des chinois Han arrivés dans sud suite à diverses migrations successives depuis le Henan, le Shandong et le Hubei. Ces « migrants » avaient du finalement s’installer sur des terres montagneuses et peu fertiles. De ce fait les hommes furent obligés d’aller chercher du travail à l’extérieur, laissant les femmes cultiver la terre. Comme le décrit Ono Kazuko dans Chinese Woman in a Century of Revolution : «  Dans ces familles ne possédant presque rien, les hommes n’avaient aucune raison de dominer les femmes, et, de même, les femmes n’avaient aucune raison de dépendre des hommes. Les femmes Hakka n’avaient pas non plus les pieds bandés, le symbole de la « femme cultivé ». Avec leurs pieds nus, elles consacraient leurs journées au dur labeur agricole, parfois avec les hommes, parfois à leur place quand ces derniers partaient chercher du travail loin de leurs villages. » Ces femmes étaient notamment connues pour leurs chansons d’amour, parfois dialoguées entre hommes et femmes, qui pouvaient durer plus d’une heure et dont Kazuko dit : « Le grand nombre chansons passionnées des Hakka suggèrent que les relations entre les hommes et les femmes qui travaillaient dans les collines étaient extrêmement naturelles et ouvertes. Ayant atteint un statut égal aux hommes par leur participation au travail, les femmes Hakka n’étaient pas contraintes par les normes confucéennes traditionnelles et pouvaient résolument exprimer leur amour. »

Au-delà de l’insurrection Taiping, les Hakka ont joué un rôle majeur dans toute l’histoire moderne de la Chine comme le rappelle Mary S. Erbaugh dans son article « The Secret History of the Hakkas:The Chinese Revolution as a Hakka Enterprise » : « La révolution socialiste s’est bien accordée avec la tradition Hakka de contestation militante, si bien que 3% de la population du continent a eu trois plus de probabilité que les autres Han de parvenir à de hauts postes de direction. Six des neuf bases de guérilla « soviétiques »  se trouvaient dans des territoires Hakka, la route de la longue marche passait de villages Hakka en villages Hakka. En 1984, la moitié des membres du comité permanent du politburo étaient des Hakka et la République Populaire et Singapour avaient tous deux des leaders Hakka, Deng Xiaoping et Lee Kwan Yew qui furent rejoint par un autre Hakka, Lee-Teng-Hui qui prit la tête de Taiwan en 1988.(…) La solidarité Hakka souligne comment un sous-groupe ethnique peut prendre une grande importance si l’opportunité historique se présente. Au début du XX ème siècle, la pauvreté Hakka faisait de la réforme agraire un objectif pour lequel il valait la peine de se battre et ce, au moment précis où les activistes socialistes avaient désespérément besoin des forces traditionnelles Hakka : la mobilité, l’habileté militaire, des femmes fortes et un langage commun (le Hakka) utile stratégiquement. » Erbaugh fait bien sûr le parallèle, toutes proportions gardées, avec le rôle joué par les juifs dans les mouvements révolutionnaires d’Europe centrale et de Russie.

Le statut des femmes Hakka constituait bien sûr un facteur important : « Les femmes Hakka s’adaptèrent à leurs difficiles conditions d’existence grâce à leur force physique et leur indépendance. A l’exception de quelques membres des classes supérieures, elles n’avaient jamais bandé leurs pieds. Les femmes gardaient traditionnellement des réserves importantes d’argent tirées de leur dot, allaitaient elles-mêmes leurs enfants et travaillaient à l’extérieur pour gagner de l’argent. (…) La tradition Hakka encourageait fortement la monogamie et décourageait la vente des filles, le recours aux concubines et la prostitution. La pauvreté forçait souvent les hommes a partir au loin, les femmes labouraient donc souvent leur champ et géraient l’argent du ménage. L’indépendance des femmes favorisait également une relative liberté dans les rapports entre les sexes comme l’illustre les chants d’amour. » (Erbaugh) Nous allons voir que ces traditions Hakka n’ont pas manqué de se refléter dans la pratique des Taiping.

La révolution Taiping

L’idéologie millénariste qui animait le soulèvement était un mélange pour le moins détonnant d’influences protestantes et de conceptions traditionnelles chinoises (« le terme de Grande Paix, Tai-ping, évoque un vieux thème politico-religieux chinois, un rêve très ancien » J. Chesneaux) mais aussi d’utopies paysannes, de nationalisme anti-mandchou et de velléités modernisatrices, ce qui ne manqua pas de dérouter les contemporains et même un observateur aussi perspicace que Marx. Après la prise de Nankin en 1853, les Taiping entreprirent en tout cas de mettre en œuvre une partie de leur programme « communiste », notamment concernant la libération des femmes.

Augustus F. Lindley qui fut un témoin direct, raconte dans son livre Ti Ping Tien Kwoh : The History of the Ti-ping Revolution : « Durant mes rapports avec les Taiping, si il y a un aspect de leur système et de leur organisation qui m’est apparu le plus admirable, c’est bien la façon dont ils ont amélioré la position des femmes, dont le statut s’est élevé ainsi d’un régime asiatique dégradant à celui d’une nation civilisée. » Il note notamment que les Taiping interdirent le bandage des pieds et que « tous les enfants nés depuis la rébellion avaient des pieds normaux ». Les rebelles n’hésitaient d’ailleurs pas à arracher le bandage aux pieds des femmes dans les villes et régions nouvellement conquises. La prostitution et le recours aux concubines étaient également interdits et l’égalité entre hommes et femmes était proclamée et plus ou moins appliquée dans la répartition des terres, la division du travail et l’éducation.

Femmes au combat…

Dès le début du soulèvement, la présence des femmes au combat fut importante et ne passa pas inaperçu comme le relate Ono Kazuko qui cite la description donnée par un partisan de l’empire : « Parmi ces bandits, il y a des femmes soldats, toutes sont des proches des rois Taiping. Venant de minorités misérables telle les Yao et les Zhuang, elles ont grandi dans les caves et se promènent pieds nus et avec des turbans sur la tête. Elles peuvent escalader des falaises abruptes avec aisance et leur courage surpasse celui des hommes. Sur le champ de bataille elles portent des armes et se battent en première ligne. Les troupes gouvernementales ont été défaites par de telles adversaires dans les récentes batailles. » Kazuko poursuit la description : « Puisqu’elles étaient si actives elles préféraient porter des pantalons plutôt que des jupes. Leur apparence singulière – de grands pieds, des turbans rouges sur la tête et des pantalons- amenait probablement les personnes « civilisées » de l’empire chinois à les regarder comme une race inférieure largement étrangère aux Han chinois, une race situé entre le singe et l’homme sur l’échelle de l’évolution. Mais c’est précisément ces femmes qui se battaient encore plus courageusement que les hommes. Les Taiping virent ainsi émerger plusieurs femmes générales. » Les autorités ne s’y trompèrent pas qui prônaient une répression impitoyable contre ces femmes combattantes, tel cet espion Qing envoyant son rapport depuis Nankin «  Dès que nous aurons repris la ville, tous les femmes du Guangxi devront être exécutées. Nous ne devrons montrer aucune pitié et aucune indulgence envers elles. Car elles ont été aussi courageuses et féroces que les soldats hommes qui ont défendu la ville. » Les unités de femmes furent toutefois peu à peu de plus en plus affectées aux grands travaux, du fait notamment qu’elles devaient intégrer dans leurs rangs de nombreuses femmes aux pieds bandés, souvent inaptes au combat.

…et puritanisme

La particularité de l’armée Taiping c’est en effet qu’elle fut dés le départ organisée sur une séparation stricte des sexes. Comme l’explique Franz Michael dans The Taiping Rebellion. History and Documents : « En plus d’organiser leurs partisans selon les règles militaires, les leaders Taiping séparèrent les hommes et les femmes en différentes unités. Les femmes étaient organisées dans le même type d’unité, sous les ordres de leurs propres officiers qui avaient les mêmes titres que leurs homologues masculins. Les unités pour hommes et les unités pour femmes se trouvaient dans des camps séparés et aucun contact n’étaient permis. La mise en place de cette séparation entre les sexes était d’une importance évidente pour maintenir la discipline dans une force mobile. Cette mesure fut toutefois établie sur la base de la doctrine religieuse. Les hommes et les femmes étaient des frères et sœurs, les relations sexuels constituaient un péché et la chasteté était un commandement de Dieu. Même les couples mariés n’avaient pas le droit d’avoir des relations sexuelles. Ceux qui désobéissaient étaient décapités. »

Cette interdiction fut étendue pendant un temps aux villes tenues par l’insurrection, où hommes et femmes devaient vivre dans des communautés séparées et où même les couples mariés n’avaient pas le droit de vivre ensemble ou d’avoir des relations sexuelles. Un système de contrôle très strict fut mis en place comme le retrace Lindley : « Chaque femme du royaume Taiping devait soit être mariée, membre d’une famille ou être logée dans une des institutions pour les femmes sans protection qui existaient dans les principales villes et étaient supervisées par des administrateurs spécialisés ; les femmes seules n’étaient pas autorisées sur le territoire autrement. Cette loi visait à prévenir la prostitution, qui était punie de mort, et a été remarquablement efficace puisque le phénomène avait totalement disparu des villes contrôlées par les Taiping. » Dans son article Taiping Pipe Dreams: Women’s Roles in the Taiping Rebellion, Adrienne Johnson rapporte que « les Taiping n’étaient pas à peine arrivés dans une ville qu’ils construisaient ce type de refuges pour jeunes femmes. Ces maisons étaient réservées uniquement aux femmes et ce principe était maintenu avec la plus grande sévérité. Les hommes étaient avertis de ne pas pénétrer dans ces maisons par de nombreux panneaux comme celui-ci qui disait «  Cet endroit pour les jeunes filles est sacré ; quiconque à l’audace de franchir ce seuil avec de mauvaises intentions sera décapité. » L’obsession de la monogamie et plus encore de la chasteté ne s’appliquait toutefois pas aux hauts dirigeants puisque Hong Xiuquan disposait quant à lui d’un harem de 36 femmes et que des épouses étaient régulièrement offertes aux combattants les plus valeureux. Cette ségrégation prit en tout cas fin dans les villes en mars 1855, quand protestations et désertions indiquèrent aux dirigeants Taiping les limites de ce puritanisme qui fit probablement beaucoup pour le succès militaire initial mais aussi le déclin ultérieur du soulèvement.

 

Les féministes contre le harcèlement sexuel en Chine (3)

Nous continuons la publication de traductions de textes féministes chinoises au sujet du harcèlement sexuel. Ce texte, toujours tiré du site Chuang, est précédé ici d’une présentation par un des animateurs du site :  

« Nous avons décidé de traduire ce texte du chinois pour plusieurs raisons. Depuis que les « cinq féministes » ont été incarcérées pendant 37 jours au début de 2015, le harcèlement sexuel dans les transports publics est devenu un enjeu central pour les féministes et d’autres activistes en Chine. Comme cela a été raconté dans l’article de Peng X « Nous devrions tous être féministes ? La répression, la récupération et les nouveaux métros réservés aux femmes en Chine », l’année dernière les féministes du Guangdong ont levé des fonds et conçu des affiches pour attirer l’attention sur ce problème, mais toutes leurs propositions furent rejetées par les autorités des transports publics. Les activistes ont répondu en portant elles-mêmes les affiches dans une campagne intitulée #jesuisuneaffichequimarche, campagne qui leur a valu la visite de la police et même l’expulsion de leur logement. Dans le même temps, l’État a tacitement essayé d’apaiser les préoccupations montantes concernant ce problème que reflétait l’activisme féministe, en introduisant des « wagons prioritaires pour les femmes » dans deux villes et des bus réservés aux femmes dans une autre- quoique les médias aient expliqué que cela s’adressait en priorité aux femmes enceintes et aux mères de famille. Comme le soulignait sardoniquement une féministe « leur principale préoccupation ce n’est pas nous mais nos enfants, ceux que nous portons dans notre ventre, ou que nous aurons dans le futur. »

Les féministes ont répondu aux nouveaux wagons de deux manières différentes qui reflètent une division entre celles qui défendent une extension de l’État de droit et celles qui se concentrent sur la défense de l’action directe comme moyen de « construire une société en accord avec les objectifs de libération des femmes »- comme le résume le texte traduit ci dessus. Une des « cinq féministes » a écrit une critique des wagons réservés aux femmes pour Tootopia, une plate-forme gauchiste populaire qui s’adresse prioritairement aux étudiants. Elle y écrit que cette politique montre que l’État se préoccupe du droit des femmes, mais que cette préoccupation devrait se porter sur l’amélioration des lois et des mesures de maintien de l’ordre, notamment un plus grand usage des caméras de surveillance. Au contraire, l’article qui suit (publié sur une autre plate-forme appelée Jianjiao, qui s’adresse aux travailleuses migrantes) avance que cette politique semble au mieux exprimer des préoccupations non pour les femmes mais pour leurs enfants, et au pire vise à renforcer les rôles traditionnels de genre tandis que l’État, de l’ autre côté, harcèle chez elles les féministes.

Cet article est nouvel exemple de cette approche plus critique et radicale du féminisme en Chine aujourd’hui. Non seulement il appelle à l’action directe comme moyen d’intervention sociale et il fournit des suggestions spécifiques pour l’auto-défense des femmes (recommandant le Wing Chun –un art martial chinois traditionnel, originaire du Sud de la Chine, destiné au combat rapproché, incluant des techniques à mains nues et le maniement d’armes- comme particulièrement approprié à cet effet).

Il fournit aussi un aperçu de la vision du monde de beaucoup de jeunes de gauche, citant le jeune Mao Zedong en même temps que les YPJ de Rojava. Cet article est aussi un bon exemple des façons dont la gauche contemporaine en Chine opère sous l’hégémonie d’un maoïsme latent (quoique relativement défini). Dans ce climat politique, les termes et anecdotes de l’ère révolutionnaire servent toujours de « lingua franca » parmi les activistes à travers tout le spectre politique. Dans ce cas précis, le style de l’original imite beaucoup d’aspects des écrits de l’ère socialiste ce qui rend la traduction difficile.        Peng X

Étudiez le coup de pied dans les xxxxxx et utilisez le pour vous défendre contre le harcèlement sexuel !

Il y a quelques jours, je suis tombé par hasard sur un article de journal intitulé « Une jeune femme voyageant dans le métro attaquée par surprise par un pervers (Selang en chinois), poste un selfie prouvant que sa tenue était décente. (Voir les illustrations et vidéos de l’article d’origine sur le site de Chuang). Après avoir été agressées ainsi, les victimes doivent elles poster des selfies attestant de leur pudeur ?

Cela revient au même que de dire que les ouvriers exploités par leur patron devraient méticuleusement rendre compte de leurs heures et de leur expérience au travail, pour prouver qu’ils s’adaptent pleinement aux exigences de l’esclavage salarié capitaliste. Cela montrerait qu’ils travaillent effectivement comme de bons esclaves mais que leur propriétaire particulier est juste plus détestable que le négrier habituel et qu’ils n’ont donc d’autre choix que de défendre leurs maigres droits.

Quelle blague ridicule ! Corsetées dans un environnement social qui présuppose le consentement tacite, toutes les victimes de harcèlement sexuel vont automatiquement mettre en cause leur propre absence de pudeur. Mais même si la victime peut se prouver « pure », il y aura toujours des gens pour dire : « Elle ne fait ça que pour attirer l’attention. »

Des gens comme cela ont dévoilé chez moi une violence bien enfouit que j’ignorais moi-même ! Et il y a tant de ces salopards ! Juste ce qu’il faut pour s’entraîner à la boxe !

La meilleure méthode pour faire face aux hommes qui harcèlent les femmes ainsi c’est Certainement, de les battre jusqu’à la lisière de la mort !

Dans la vraie vie néanmoins, beaucoup de femmes manquent d’expérience en terme de combat. De plus, les hommes qui les harcèlent ont l’avantage en termes de constitution et de force physique. Sans compétence dans le domaine du combat, toute tentative de résister à la force par la force ne pourra se faire qu’à notre détriment.

Mais le développement de toute chose est dialectique. Xu Laofeng, un des scénaristes de film de Yip Man The Grandmaster, a dit une fois que durant les compétitions d’arts martiaux de l’ère pré-moderne, les maîtres de boxe avaient peur de voir les femmes participer à la compétition. C’était parce qu’ayant un désavantage physique, les femmes chercheraient des méthodes pour attraper par surprise leur adversaire, cherchant à tuer avec le moindre geste.

Soeurs, si vous croisez un selang, votre rage doit être inébranlable. Mais souvenez-vous : quand vous les frappez, ne visez pas le visage. Ce n’est pas pour leur permettre de sauver la face, mais plutôt car frapper au visage ne confère qu’un avantage psychologique, sans faire beaucoup de mal.

Dans l’image ci dessus, dès que cette femme est attaquée, elle engage bravement une contre-attaque. Mais elle commet aussi l’erreur la plus courante des personnes prises dans un combat : elle utilise le chapeau du selang pour le gifler. Non seulement ça ne lui fait aucun mal, mais elle laisse passer l’occasion de l’attaquer par surprise, ce qui permet au harceleur de préparer sa réponse.

Quand on se confronte à ces gens, la première règle c’est d’être aussi vif que l’éclair. Vous devez rapidement, implacablement et avec précision vous concentrer sur ces objectifs : les yeux ! Le nez ! La gorge ! Les parties génitales ! Quand tout échoue même piétiner le gros orteil de votre agresseur vous donnera l’avantage.

Pour un exemple,, regardez cette vidéo sud-coréenne sur l’auto-défense face au harcèlement. Peu importe que vous ne puissiez pas lire les sous-titres, le principe est simplement de prendre avantage du moment où le selang sera pris au dépourvu, attaquer l’entrejambe, frapper le nez et la gorge et saisir ensuite l’opportunité de fuir.

Bien sûr, en réalité le selang peut avoir une expérience en matière d’auto-défense. Dans ces situations, à part l’attaque des cibles vitales, nous devons avoir une technique supérieure, empêcher l’assaillant de garder son centre de gravité et protéger nos propres points faibles. (…)

Vu que les selang commettent le plus souvent leur agression dans les transports publics nous recommandons à nos sœurs d’étudier l’art élégant du Wing Chun et la vitesse et souplesse qu’il permet.

Dans les transports publics, l’espace est relativement restreint et le selang prend avantage de la foule pour couvrir leurs crimes. Dans un tel environnement, les avantages du corps masculin sont amoindris. Quand une lutte se déclenche, il devient difficile de jouer des coudes ou de balancer un grand coup, alors que c’est souvent le premier recours des hommes. L’attaque selon les méthodes du Wing Chun produit d’excellents résultats dans un tel espace bondé.

Pourquoi entraîner son corps ? Le corps est le moyen de la révolution !

Pour se défendre contre le harcèlement sexuel, prôner seulement que les femmes fasse de l’entrainement physique n’est pas une solution réaliste. Dans le même temps comme l’a dit le président Mao : « Civilisez votre esprit, mais rendez sauvage votre corps ! »

A ses débuts, le président Mao se baignait dans les eaux glacées et voyageait à pied à travers le Hunan. D’un côté, cela lui donna une expérience de première main et accrue son savoir. De l’autre, il testa la résilience de sa volonté. Cela lui procura des informations substantielles qui justifièrent par la suite la ligne du parti «  d’encerclement des villes par les campagnes », tout en consolidant la confiance qui sera nécessaire à l’armée rouge pour survivre à la longue marche.

L’entraînement physique n’est pas du tout en contradiction avec un mouvement de libération des femmes et de destruction du patriarcat. Le harcèlement sexuel lui même n’est simplement qu’une expression de la position supérieure qu’occupe les hommes par rapport aux femmes à la fois socialement et individuellement.

(…) Dans la sphère privée, les femmes ont longtemps été découragées de participer à des activités physiques. Au contraire, elles devaient se comporter comme des « filles », c’est à dire qu’elles devaient être douces, calmes et obéissantes. Dans de telles conditions, il est évident que le fossé entre les aptitudes physiques des hommes et de femmes ne pouvait que se creuser.

Défendre uniquement l’entrainement physique des femmes tout en ignorant leurs droits sociaux est bien évidemment inacceptable. Mais inversement, se concentrer uniquement sur la lutte pour les droits sociaux en négligeant de développer la capacité de combat des femmes, quoique probablement « politiquement correct », les rendra néanmoins incapables défendre les acquis de la lutte.

La vidéo ci-dessous (ibid) montre les Unités de Défense de Rojava au nord de la Syrie. Ces femmes sont un des piliers qui soutiennent la Fédération Démocratique du nord de la Syrie. Tous les droits qu’elles ont obtenues, l’ont été grâce à une capacité de combat pratique. Et les ennemis patriarcaux les plus communs que ces femmes ont affronté n’étaient pas des hommes grossiers dans les transports publics mais des terroristes de l’État Islamique armés jusqu’au dent.

Comme elles, en menant nos propres batailles nous devrons démontrer notre force car comme l’a écrit Simone de Beauvoir « On ne nait pas femme, on le devient ».

Mais à Rojava, le but des luttes des femmes n’est pas d’obtenir de nouveaux droits, d’avoir plus de dirigeants femmes ou d’élire une femme présidente. Non, ces femmes détiennent elle même le pouvoir et ont donc l’opportunité de construire une société nouvelle qui soit effectivement en accord avec les buts de la libération de la femme.

La propre capacité de combat des femmes est extrêmement importante. Si nous ne pouvons pas mettre fin aux agissements de quelques selangs, comment pouvons nous espérer détruire le patriarcat qui domine le monde depuis des millénaires ?

Sur le même thème, on peut notamment utilement se reporter à :

From Kung Fu to Hip Hop. Globalization, Revolution, and Popular Culture de M.T.Kato

Everybody Was Kung Fu Fighting. Afro-Asian Connections and the Myth of Cultural Purity de Vijay Prashad

Entre déni et répression : les féministes contre le harcèlement sexuel en Chine (2)

Guettés avec une certaine fébrilité par les journaux occidentaux, les premiers signes d’un mouvement de type #meetoo (WoYeshi en chinois) en Chine ont fini par apparaître. Chez les journalistes, où le témoignage de Sophia Huang Xueqin, agressée quand elle était stagiaire, a libéré la parole de 250 de ses consoeurs et dans les universités où de nombreux témoignages et une lettre ouverte circulent et où une première démission de professeur impliqué a eu lieue.

Mais ce qu’on manquera peut-être de mentionner, ce sont les militantes qui furent à l’avant-garde de ce renouveau de la lutte contre le harcèlement. Ainsi les cinq militantes féministes, arrêtées en mars 2015 pour avoir collé des affiches dans le métro contre le harcèlement de rue. Ces activistes avaient auparavant mis en œuvre diverses formes d’agit-prop, une flash-mob dans le métro notamment, sur le même sujet et avaient rencontré pour cela une répression, certes relativement mesurée, mais immédiate. Lire la suite « Entre déni et répression : les féministes contre le harcèlement sexuel en Chine (2) »

Entre déni et répression : les féministes contre le harcèlement sexuel en Chine (1)

Dans un éditorial, supprimé par la suite, le quotidien officiel en langue anglaise The China Daily expliquait au mois d’octobre 2017, que contrairement à partout ailleurs, les cas de harcèlement sexuel seraient rares en Chine car « On a appris aux hommes chinois à protéger leurs femmes. Se comporter de façon inappropriée vis à vis d’une femme, i-compris la harceler sexuellement, est en contradiction avec toutes les valeurs et coutumes traditionnelles chinoises. » Ce genre de discours n’étonne pas quand on connaît la restauration idéologique tout azimut entamée sous l’égide de « l’harmonie sociale » et du « rêve chinois » par le Parti Communiste.

La levée de boucliers provoquée par cet éditorial du China Daily explique probablement le ton à la fois plus circonspect mais aussi plus menaçant de celui publié sur le même sujet par le plus austère Global Times début janvier : « Les mouvements sociaux ne peuvent jouer qu’un rôle limité dans la réduction du harcèlement sexuel. Avec le développement du pays, les résidents chinois ont une plus grande conscience de leurs droits et cela nécessite une amélioration correspondante du système légal et de la gestion de ces problèmes par les autorités concernées. Les campagnes sociales ne constituent qu’une partie d’une approche chinoise globale. Certains médias occidentaux utilisent les cas d’agressions sexuelles en Chine pour insinuer que le système juridique chinois est responsable de ce problème, comme si tous les problèmes que leurs pays ne parviennent pas à résoudre tenaient uniquement de lacunes juridiques. »

L’attitude des médias et du pouvoir chinois vis à vis du harcèlement n’a pas toujours été aussi erratique comme le rappelle Diana Fu dans l’étude qu’elle a consacrée à ce sujet : « China’s Paradox Passage into Modernity: A Study on the Portrayal of Sexual Harassment in Chinese Media ».

En effet le thème était très à la mode au début des années 1990 : « Ce déluge de reportage (sur le harcèlement) est intéressant à plusieurs titres. Tout d’abord le terme chinois pour nommer le harcèlement sexuel, xing sao rao, est une notion étrangère qui a été importé en Chine dans la dernière décennie du XX ème siècle et était contemporain des réformes de Deng Xiaoping et du retour du pays sur la scène mondiale. Ensuite, le gouvernement chinois et les médias se concentrent sur le harcèlement alors que la pays est touché par d’autres maux sociaux tout aussi atroces tel que le trafic de femmes, l’infanticide, la pauvreté, etc. Le fait que les médias abordent le sujet avec une rhétorique juridique laisse aussi perplexe, quand on connaît le rejet par les autorités des critiques sur le respect des droits de l’homme. Enfin les informations qui sont relayées sur le harcèlement ne portent quasi exclusivement qu’autour de jeunes professionnelles urbaines, marginalisant en cela des secteurs entiers de la population salariée : notamment les travailleuses migrantes qui sont les plus démunies et désavantagées des victimes de harcèlement sexuel. »

Fu souligne que les autorités cherchaient en soulignant le problème à le rendre exclusivement concomitant de la modernisation et de l’essor économique (et ne visant que les « femmes chinoises modernes »), comme si il n’avait pas existé dans la Chine maoïste, pour pouvoir démontrer qu’en prenant le problème à bras le corps (sic!) le pays se situait au même niveau d’exigence juridique que les pays occidentaux très développés tout en continuant l’ « œuvre socialiste » d’émancipation des femmes commencée en 1949.

Pourtant, malgré toutes ces bonnes intentions le problème persiste, i-compris au niveau juridique malgré une nouvelle loi en 2015 puisque sur les lieux de travail, où selon une étude citée par le China Labor bulletin, 80% des travailleuses chinoises connaissent à un moment ou à un autre un épisode de harcèlement, rien n’a été effectivement prévu pour protéger les plaignantes contre les chantages et autres coups de pression. Ce qui a changé par contre c’est qu’un mouvement féministe non institutionnel s’est saisi de ces problèmes ce qui lui valu immédiatement des ennuis avec les autorités, comme nous allons le voir dans la suite de ce post… On comprend en tout cas qu’entre persistance et résistance les médias aient changé de ton…

Addenda à « He-Yin Zhen , éléments biographiques »

Peu après réception des livres imprimés, le préfacier du livre et historien du mouvement anarchiste chinois, Jean Jacques Gandini nous a demandé des précisions sur notre citation un peu lapidaire de Ono Kazuko qui, dans une note de son ouvrage Chinese Women in a Century of Revolution, mentionne que « Liu Shipei et sa femme He Zhen furent achetés par le gouvernement mandchou, devinrent espions et trahirent la révolution ».

Nous avons effectivement un peu abruptement (mais avec des pincettes), cité Ono Kazuko alors que nous n’ignorions pas que, quoique son livre Chinese Women in a Century of Revolution soit, à notre humble avis, indispensable pour quiconque s’intéresse à l’histoire moderne des femmes en Chine, elle était également une maoïste illuminée probablement intéressée donc à calomnier les anarchistes.

Cette petite maladresse va toutefois nous permettre de faire le point sur ce qu’on sait de la fin de parcours de He Yin Zhen et de son mari Liu Shipei. Lire la suite « Addenda à « He-Yin Zhen , éléments biographiques » »

La revanche des femmes

Nous publions ici la partie de l’article La revanche des femmes non reproduite dans notre livre.  Traduction de Pascale Vacher.

LA REVANCHE DES FEMMES – page 681

Hélas, les trois formes d’autocratie imposée aux femmes par les hommes que nous avons décrites montrent clairement que les femmes sont piétinées depuis longtemps. Elles ont été tellement méprisées qu’on leur a volé tous leurs droits. Les trois principaux sont le droit de porter les armes et de commander les armées, le droit d’exercer un pouvoir politique et celui d’être éduquées. Lire la suite « La revanche des femmes »

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