Working for Oil

Working for Oil. Comparative Social Histories of Labor in the Global Oil Industry Édité par Touraj Atabaki, Elisabetta Bini et Kaveh Ehsani, Palgrave Macmilan 2018.

Pouvant paraître, au vu du sommaire, un brin scolastique et roboratif ( plus de 400 pages), Working for Oil constitue au contraire une très sérieuse et très utile introduction à cet aspect central de la « question », trop peu abordé malgré la « révolution copernicienne » proposée par Carbon Democracy de Timothy Mitchell. Plus encore, le recueil offre via la diversité et densité des textes qu’il réunit, un nouveau regard sur plusieurs aspects de l’évolution du capitalisme, des cycles de luttes ouvrières et de restructuration de ces soixante-dix dernières années et ce, sous plusieurs latitudes.

Dans leur introduction les éditeurs, Touraj Atabaki, Elisabetta Bini et Kaveh Ehsani commencent par constater : « Tandis que le rôle des travailleurs du pétrole et des rapports de classe et de travail dans l’industrie pétrolière globale avaient été l’objet d’une grande attention de la part des chercheurs durant la majeure partie du XXe siècle, la période qui s’est ouverte avec les années 80 a été marqué par un déclin profond d’intérêt pour le sujet, au point qu’à présent l’analyse du rôle vital du travail dans tous les aspect du complexe pétrolier global est soit ignorée, soit écartée comme n’ayant que peu d’importance. » Il faut bien sûr y voir, là comme ailleurs, un écho des effets de la restructuration qui est venue répondre aux cycle de luttes des années 60/70 : « Les nouvelles technologies et formes d’organisation du travail ont abouti à l’emploi de moins de travailleurs et à l’embauche de plus d’employés temporaires qui étaient souvent moins syndiqués mais arrivaient avec des qualifications plus spécifiques et cherchaient plus à changer régulièrement de lieux de travail. Cette force de travail plus flexible et plus mobile tendait à être moins intégrée dans les sociétés locales, moins organisée et imprégnée de l’histoire syndicale et des luttes ouvrières. Aujourd’hui l’industrie pétrolière est caractérisée par la prévalence des contractuels et des travailleurs externes à l’entreprise. Beaucoup de travailleurs travaillent pour plusieurs compagnies en même temps, ils sont plus précaires et vulnérables et se retrouvent souvent à travailler dans des conditions dangereuses comme l’a illustré le désastre de Deepwater Horizon. Le relatif (et momentané ?) déclin de l’organisation collective est donc tout autant partie intégrante de l’analyse des rapports sociaux dans le pétrole que le sont les moments de lutte spectaculaires et les victoires dans les négociations avec les employeurs ou les confrontations avec les gouvernements nationaux. »

Présentant plus spécifiquement l’ensemble de textes, les éditeurs précisent : « Dans ce recueil, les rapports de pouvoir ne sont pas seulement traités en termes de dynamique de classe, mais concernent tout autant l’usage des différentiations culturellement imposées de genre, de race et d’ethnicité. Les expériences difficiles des travailleurs migrants, les conditions aliénantes et déracinées auxquelles sont confrontés les experts expatriés dans leurs enclaves isolées, la double discrimination que connaissent les femmes dans divers secteurs du complexe pétrolier et la manipulation par les employeurs des tensions entre les ouvriers et employés de différentes couleurs de peau et/ou origines nationales ou ethniques ont représenté et continuent de représenter une dimension centrale de l’expérience des travailleurs dans le complexe pétrolier. Les essais qui suivent cherchent à aborder les histoires sociales et expériences vécues variées du travail dans l’industrie pétrolière globale depuis ces perspectives diverses et entrecroisées. » On remarquera que comme souvent l' »intersectionnel » tient plus du numéro obligé que du grand méchant loup dont on nous rebat les oreilles…

En tout cas, « Les essais du livres sont organisés autour d’une série de thèmes corrélés et divisés en trois sections : La première partie, « La vie politique du travail » examine les rapports de pouvoir au sein de la force de travail et entre la force de travail et les employeurs et les institutions politiques de l’État. Ce thème englobe les formes variées de représentation collective, comme les syndicats et les associations de même que l’implication du secteur pétrolier et de ses travailleurs et employés dans les changements politiques plus généraux. La seconde partie  » La vie productive du travail », s’intéresse aux rapports de travail dans les champs pétroliers, les raffineries, les complexes pétro-chimiques, les ports, les entreprises de construction de pipelines, etc. Ces essais analysent les dynamiques des formes variées de qualifications, de connaissances pratiques et d’expertise et leurs implications pour la vie professionnelle de ceux qui travaillent dans le complexe pétrolier. La troisième partie  » La vie urbaine et sociale du travail » se penche sur la reproduction du travail en dehors du lieu de travail. Les textes examinent les dynamiques de vie dans les villes fondées par les compagnies et les communautés urbaines ou autre, les rapports de genre, les dynamiques culturelles et les tensions, les frictions quotidiennes et les négociations entre ceux qui travaillent dans différents secteurs du complexe pétrolier et les sociétés locales, nationales et transnationales. »

C’est dans le premier texte, « Disappearing the Workers: How Labor in the Oil Complex Has Been Made Invisible »de Kaveh Ehsani qu’on trouve une introduction plus « théorique » au recueil. Ehsani reformule tout d’abord plus précisément le constat de cette « disparition des travailleurs du pétrole » : « Il est étonnant, qu’à quelques rares et notables exceptions, ces dernières décennies, l’attention des historiens et des chercheurs en science social qui enquêtent sur l’impact social, spatial , économico-politique et environnemental du pétrole s’est complétement détournée de toute velléité de prendre en compte l’agency et le rôle du travail dans ce secteur. Il en résulte que la majorité du travail académique sur l’impact social du pétrole tend à une formulation du pétrole comme forme de propriété foncière ou valeur détenue par des corporations ou des gouvernements, une source de revenus (ou une rente) discutable, une ressource stratégique ou un enchevêtrement mystérieux d’infrastructures technologiques. » Il réfute ensuite les arguments habituellement avancés pour disqualifier l’étude de la situation et des luttes des travailleurs du pétrole, qu’il s’agisse de l’intensité capitalistique du secteur, toujours plus relative qu’on veut bien le faire croire, de la vieille rengaine de « l’aristocratie ouvrière » qui ne dit bien évidemment rien de la grande variété des statuts et des processus globaux de précarisation ( y compris pour les travailleurs expatriés) ou de cet enclavement, vieux comme l’industrie pétrolière, qui rendrait les travailleurs du secteur étrangers à toute réalité sociale nationale. Soulignant encore le simple mépris plus ou moins ouvertement professé par les « chercheurs radicaux » ( ça alors !) , ici ceux des « Energy Humanities », pour les travailleurs du secteur, Ehsani critique également les bons vieux passe-partout de la rente ( chez les marxistes) ou de la « maladie hollandaise » ( chez les économistes) : « Définir les États comme « rentiers » ou comme des pétro-États, prétendre que le « pétrole » et les revenus qu’il génère sont une malédiction qui mène inévitablement à la corruption politique et à une déformation de la société civile débouchant sur une « pétro-société » est à la fois a-historique et trompeur si on accompagne pas ces qualifications en situant l’économie politique changeante du pétrole dans une analyse rigoureuse des histoires politiques et sociales et en prenant en compte le contexte géopolitique dans lequel les gouvernements nationaux opèrent. (…) Avec de telles interprétations, il n’est plus nécessaire d’analyser les rapports de classe au coeur du complexe pétrolier, puisque le pétrole est présenté en termes purement économiques et financiers et non comme un réseau d’activités industrielles et extractives qui sont basées sur la coordination sociale et des rapports conflictuels de pouvoir. »

Bien sûr cette « disparition » n’est pas simplement le fruit de la paresse intellectuelle qu’elle soit académique ou critique mais c’est bien aussi une « conséquence des politiques et stratégies adoptées par les employeurs et les gouvernements cherchant à maximiser les revenus et à minimiser le potentiel de perturbation représenté par les luttes ouvrières ». Ehsani illustre ce processus en détail avec le cas iranien, notamment la répression qui suit la prise du pouvoir de 1979 puis le démantèlement des zones de socialisation ouvrière articulé avec la guerre Iran-Irak puis la précarisation/ privatisation jusqu’à aujourd’hui : « L’expérience du travail dans l’Iran post-révolutionnaire indique que plutôt que d’être devenus insignifiants, les travailleurs du pétrole ont perdu la possibilité de faire sentir leur présence, car ils sont activement rendus invisibles. Ce développement est le résultat d’un certain nombres de manoeuvres interconnectées qui comprennent la répression des syndicats et des partis politiques indépendants, et les tournants drastiques de l’après-guerre dans la politique étatique passant de la redistribution populiste à la rationalité du marché. Cela a continué avec la réorganisation des lois du travail en faveur des employeurs et la mise en oeuvre de changements structurels au sein du secteur public du pétrole et du gaz qui ont ouvert la voie à une privatisation rampante. » Notons que si l' »‘invisibilisation » tient presque désormais du « lieux commun sociologique », particulièrement en France, on a effectivement dans le cas des travailleurs du pétrole la démonstration d’un de ses effets centraux, c’est à dire de rendre proprement « illisible », en occultant une des dynamiques primordiales de son histoire et de sa structuration, une des industries pivots de l’économie mondiale.

La raison la plus effectivement « objective » de cette invisibilité c’est bien sûr l’organisation géographique de l’extraction du pétrole et le modèle de l’enclave très tôt adopté par cette industrie. Plusieurs contributions au recueil reviennent sur cette histoire dans divers zones du monde et permettent d’en apprécier la complexité. C’est notamment le cas de l’article « The Zero-Sum Game of Early Oil. Extraction Relations in Colombia: Workers, Tropical Oil, and the Police State, 1918–1938 » de Stefano Tijerina qui décrit les aléas successifs de l’importation de ce modèle par les compagnies américaines en Colombie. Comme partout ailleurs, après des débuts « prometteurs » la logique ségrégationniste appliquée au sein même des enclaves finit par déclencher une série de révoltes des travailleurs locaux et l’implication grandissante des populations environnantes, forçant les compagnies et leurs obligés politiques locaux à naviguer à vue entre concessions et répression. Le cycle retracé par Tijerina se caractérisant, comparé à d’autres régions du monde, par une très forte combativité ouvrière à partir de la première révolte d’octobre 1924, qui se répercute en grèves violentes en 1927, 1935, 1938 puis 1948 et enfin, selon l’auteur, jusqu’à aujourd’hui.

Malgré cet enclavement, les travailleurs du pétrole auront au XXe siècle souvent joué un rôle primordial dans les luttes au niveau national et particulièrement au sud les luttes anti-coloniales et anti-impérialistes mais aussi post-coloniales. La participation des travailleurs du pétrole iranien au renversement du régime du Shah constitue un des exemples les plus emblématiques de cette autre histoire. Dans « Fluid History: Oil Workers and the Iranian Revolution », Peyman Jafari revient très en détail sur cet épisode. Comme il le rappelle dans son introduction :  » Bien qu’il y ait d’autres exemples historiques d’une mobilisation de masse des travailleurs du pétrole, les grèves du secteur de septembre 1978 à février 1979 en Iran, sont, à ma connaissance, le seul cas où des grèves de ce type ont déterminé l’issue d’une révolution. » Ce qui intéresse plus particulièrement Jafari c’est la situation de « double pouvoir » qui s’installe au début de 1979 et comment l’Ayatollah Khomeini et ses partisans parvinrent à prendre progressivement le « contrôle » des grèves, du moins à les « subsumer », avant, une fois le renversement du Shah accompli, de progressivement réprimer toute velléité d’autonomie des travailleurs. Pour Jafari, « l’histoire du rapport entre pétrole et politique et son rôle dans la révolution iranienne semble être plus contingent ou fluide que ce qu’on pourrait penser. Les forces islamistes autour de Khomeini auraient pu échouer à prendre le complet contrôle des grèves pétrolières si leur discours idéologique et leur organisation politique avaient été concurrencés de façon plus efficace par les discours alternatifs et les organisations qui défendaient l’autonomie des organisations ouvrières. » Il constate pourtant lui-même que les travailleurs échouèrent à réaliser le « saut qualitatif » du développement de cette autonomie en une coordination nationale, ce qui les rabattait inexorablement sous la coupe des organisations « de base » islamistes tandis que les diverses organisations gauchistes, classiques ou islamiques, et le Toudeh stalinien étaient évidemment bien incapables de « s’entendre ». Cet article de Jafari constitue en tout cas une contribution importante aux débats d’hier et aujourd’hui sur ce qui était effectivement possible durant ces quelques mois, ce qui témoigne pour le moins de la portée d’événements qu’on voudrait trop souvent occulter « sous la barbe » de « l’islamisation » ultérieure.

Signe de la diversité des contributions au recueil, l’article qui suit, « Norwegian Oil Workers: From Rebels to Parters in the Tripartite System » de Helge Ryggvik, porte certes sur une toute autre aire géographique et cadre de rapports sociaux. Ayant échappé à la « maladie hollandaise » et aux affres qui accompagnent la rente et de sa « redistribution » ( grâce notamment à son fameux fonds souverain), la Norvège se targue de surcroît du succès du système tripartite qui gouverne le secteur pétrolier :  » Quand les politiciens norvégiens vantent les mérites de l’expérience pétrolière du pays, les rapports étroits et sereins entre les travailleurs, les compagnies pétrolières et l’État ( le système tripartite) font partie intégrante de leur récit. Le système tripartite n’est pas propre à la Norvège mais il appartient à ce qu’on appelle le modèle scandinave. » ( Helge Ryggvik). Pourtant comme le rappelle l’article, ce ne fut et n’est certainement pas un long fleuve tranquille. Ryggvik souligne ainsi le lourd tribut payé par les travailleurs du fait des accidents du travail, ainsi lors des catastrophes à répétition sur la plate-forme d’Ekofisk ( fuite massive de pétrole en 1977, retournement de la plate-forme le 27 mars 1980 qui fait 123 morts) et aussi les nombreuses luttes qui ont jalonné les années 70, notamment la série de grèves très dures qui débute en 1978.  » Les mouvements parmi les travailleurs pétroliers n’ont pas d’équivalent dans l’histoire du rapport capital/travail de l’après guerre en Norvège. Une étude montre qu’en moyenne entre 1978 et 1985, les travailleurs du pétrole se sont mis en grève 26 fois plus que les autres travailleurs dans le pays. Le niveau de mobilisation était particulièrement élevé entre 1978 et 1981. La plupart des grèves était entièrement contrôlée par la base. Quand une grève éclatait il y avait toujours de gros groupes de travailleurs qui revenaient de leur temps de repos à terre dans les terminaux d’hélicoptères, d’où les travailleurs et l’encadrement étaient embarqués et débarqués. Les plates-formes étaient de fait souvent occupées par les travailleurs. Si des hélicoptères avec des managers ou d’autres membres du staff que les travailleurs ne voulaient pas voir à bord tentaient d’atterrir, de nombreux travailleurs se couchaient sur l’héliport pour bloquer leur atterrissage. Cet engagement complet et de longue durée et le fait que la plupart des grèves finissaient sur une victoire a donné non seulement naissance à de forts collectifs de travailleurs mais aussi à une génération de shop-stewards sur d’eux-mêmes et bien entrainés. » Ryggvik trace le parallèle avec un cycle de lutte précédent de l’histoire du pays : « Les actions des travailleurs du pétrole de la fin des années 70 montraient beaucoup de similitudes avec la rupture radicale dans le mouvement ouvrier norvégien autour de la première guerre mondiale quand des investissements étrangers ont mené à une industrialisation centrée autour des ressources hydroélectriques du pays. Comme pour cette précédente période, le point de départ économique dans la dernière partie du XXe c’était une industrie nouvelle en rapide expansion, franchissant constamment de nouvelles obstacles via l’interaction entre les humains, la nature et la technologie. Une génération de jeunes travailleurs ont marqué cette nouvelle époque par l’action directe, un activisme à la base et une critique de la bureaucratisation des syndicats traditionnels. (…) Tandis que le bouleversement dans le mouvement ouvrier norvégien autour de la première guerre mondiale a posé les bases d’une social-démocratie norvégienne relativement radicale, la rébellion des travailleurs du pétrole dans la dernière partie XXe siècle était par bien des aspects une réaction contre la social-démocratie elle-même. »

Le retour de bâton de la part des compagnies et de l’État prit plusieurs formes. Les travailleurs espagnols, portugais et latino-américains qui avaient été en pointe des luttes furent progressivement chassés du secteur. Une campagne sournoise, accompagnant la décision de « nationaliser » la rente c’est à dire d’en affecter la gestion de la majeure partie à l’État et non de la redistribuer directement, décrivit les travailleurs du pétrole comme des acteurs cupides cherchant à détourner la manne à leur profit au détriment de l’intérêt général ( et ce alors que les compagnies pétrolières faisaient des profits records). Enfin les forces classiques de la bureaucratie syndicale et de la restructuration permirent de remettre progressivement au pas les travailleurs norvégiens dans les années 90. Mais rien n’est jamais complétement acquis comme le prouvent par exemple la grève d’octobre 2020 puis celle évitée de justesse en février de cette année dans la plus grande raffinerie du pays… Et on s’aperçoit en tout cas que « malgré » une « harmonie » qui tient plus du façadisme que de l’éteignoir ou d’ornières spatiales ( les plates-formes pétrolières) moins pétrifiantes qu’il y paraît, il y a apprendre sous toutes les latitudes même celles qu’on pourrait penser les plus vouées à « l’inertie » sociale.

Même si, bien sûr, les deux situations n’ont rien à voir, c’est aussi autour de la positions relativement « privilégiée » des travailleurs du pétrole et de ce qu’ils en font que porte le texte qui suit, « The Role of Labor in Transforming Nigerian Oil Politics » de Andrew Lawrence. Effectivement constate Lawrence :  » Bien que l’industrie dans son ensemble emploie une proportion relativement importante de nigérians, les travailleurs du pétrole ne sont pas représentatifs de la société dans laquelle ils vivent et travaillent. Ils ne représentent qu’une petite fraction de la force de travail formelle du pays. Ils tendent à gagner des salaires plus élevés que les travailleurs d’autres secteurs, ils s’agit de façon écrasante d’hommes qui viennent d’autres régions que celles du Delta et bien que ce soient des firmes privées qui emploient la majorité de ces travailleurs du pétrole, leurs conditions d’emploi sont la conséquence directe de l’intervention de l’État. La politique des rapports de production dans l’industrie pétrolière au Nigeria démontre aussi les effets de long terme du fort investissement de l’État et de la tentative de subordination corporatiste des travailleurs au sein des structures étatiques lors de la dictature militaire des années 70. Leur statut privilégié et minoritaire semblerait peu propice à l’engagement dans des cycles de contestation prolongés et de grande ampleur. » Pourtant selon l’auteur c’est  » précisément car le pétrole a colonisé un segment majeur de l’économie politique nigériane, qu’à des moments clés les travailleurs du pétrole sont capables d’exercer une pression bien plus importante que ne le laisserait présumer leur nombre. (…) Ils ont assumé un rôle de premier plan dans les luttes pour la démocratie- utilisant paradoxalement la dépendance du pays au pétrole au bénéfice de la société en général.  » L’auteur retrace ainsi l’histoire de plusieurs interventions décisives de ces travailleurs et de leurs syndicats dans les processus politiques nationaux et régionaux, ainsi donc dans la transition vers un pouvoir civil en 1999 mais aussi en soutien aux luttes des peuples du Delta par la suite. Il en tire cette conclusion : « En reconnaissant la variété des processus politiques au Nigeria, cet essai cherchait à démentir la simplicité des théories de l’État-rentier. Il montre que les thèses sur l’édification de l’État sont excessivement étatistes et négligent beaucoup trop l’influence relative des syndicats ouvriers dans la constitution de l’arène politique. L’expérience des travailleurs nigérians du pétrole montre qu’avec une mobilisation au bon moment ils pouvaient par leur action collective exercer une grande influence dés lors qu’une opportunité politique se présentait. Théoriser la démocratisation dans des sociétés riches en pétrole suppose de considérer la centralité des acteurs politiques domestiques, et de façon notable les travailleurs du pétrole qui tiennent la clé de l’explication de la longévité (ou de la fragilité) des réformes économiques, des formes de gouvernance et des régimes politiques en général. » On pourrait penser ici, entre autres, aux travailleurs de la Sonatrach en Algérie qui malgré quelques tentatives n’ont pas lors de la première phase du Hirak pu faire changer la donne face au pouvoir…

C’est un encore autre type d’investissement dans la politique nationale ( ou plus exactement ses rendements décroissants) qu’évoque le texte qui suit, « Organized Labor and the Petro-nation During the Neoliberalization of the Oil Industry in Ecuador » de Gabriela Valdivia et Marcela Benavides. En effet les travailleurs du pétrole équatoriens ont largement et depuis longtemps occupé la scène publique en érigeant la défense de leur statut et le refus de la privatisation en une « économie morale collective de défense du pétrole comme patrimoine national ». Mais l’ancien président Rafael Correa, ayant décidé d’en finir avec ceux qu’il rangeait dans la catégorie des  » burocracias doradas », s’était, après quelques gesticulations rhétoriques national-gauchistes, rangé à la position d’un privatisation inévitable de certains actifs voire de la totalité de la société nationale, Petroecuador. Après que le syndicat des travailleurs du pétrole, la FETRAPEC, ait dénoncé la manoeuvre,  » Correa répondit d’une main de fer, cherchant a casser l’influence de la FETRAPEC parmi les travailleurs du pétrole. Tandis que les leaders du mouvement considéraient qu’ils dénonçaient le « néo-libéralisme caché » de Correa, ce dernier les requalifiait en « mafia du pétrole » entravant le progrès. Prenant appui sur des changements dans les lois sur le travail qui limitaient l’engagement politique dans l’entreprise, des mesures visèrent particulièrement les leaders du syndicat lors de la rationalisation de Petroecuador. » Le tout accompagné de vastes campagnes de propagande matinée d’écologie au succès probable vu la piètre estime dans laquelle sont tenus ces syndicats, particulièrement dans le secteur de l’énergie, dans les populations latino-américaines ( expérience personnelle, à plusieurs reprises et dans plusieurs pays de l’auteur de cette « recension » !). Malgré les déboires ultérieurs de Correa, la FETRAPEC ne s’est jamais remise de cette période et comme le conclut, à leur manière, les auteurs : « Le travail organisé [au sens syndical] avait les caractéristiques d’une aristocratie ouvrière mais combinait cela avec une pétro-éthique sophistiquée de la citoyenneté qui alimentait sa capacité de résistance mais le rendait aussi vulnérable aux changements structurels dans l’industrie pétrolière. L’essor et le déclin de la FETRAPEC témoigne de la nature organique des mouvements sociaux et de comment leurs contextes changeants importent pour la continuité de leur pertinence. »

Après ces premières évocations de travailleurs du pétrole, qui, malgré les conditions spécifiques au secteur, s’avèrent finalement pleinement impliqués dans leur « cadre national », le texte de Touraj Atabak « Indian Migrant Workers in the Iranian Oil Industry 1908–1951 » constitue une étrange exception. Il est en effet le seul du recueil à traiter des travailleurs migrants ou expatriés non occidentaux, qui constituent pourtant une part importante de la force de travail mondiale dans le secteur et ce de surcroît pour une période certes peu connue mais trop ancienne pour qu’elle soit très pertinente pour comprendre cet aspect des choses, même sur le temps long. Certes il y a une certaine ironie a évoquer la trajectoire de ces travailleurs du sous-continent dans l’industrie pétrolière iranienne avant qu’on leur substitue des travailleurs locaux quand on sait que ce sont les travailleurs sud-asiatiques qui ont progressivement remplacé à partir des années 70 les travailleurs locaux et régionaux dans les pays du golfe. Atabak retrace en tout cas en détail les mécanismes de recrutement mis en place par les autorités coloniales, le système de ségrégation à trois étages dans les exploitations ( européens/ indiens/ perses), les quelques luttes menées dans les années 20 par ces travailleurs expatriés et surtout la montée en puissance du prolétariat pétrolier iranien et ses luttes (notamment la sanglante grève de juillet 1946) qui aboutirent à la nationalisation du pétrole en 1951 et au départ des derniers travailleurs indiens. Au moment ou la réforme de la fameuse Kafala est en train d’effectivement se concrétiser dans des pays du golfe tentés de renationaliser autant que possible l’emploi, y compris dans pétrole et alors que même les plus qualifiés des travailleurs expatriés semblent ne pas devoir être épargnés par les restructurations en cours et à venir du secteur, il est effectivement regrettable que cette, par ailleurs très instructive, collection de textes n’ait pas traité le sujet plus en profondeur….

Les deux textes qui suivent, « Cat Crackers and Picket Lines: Organized Labor in US Gulf Coast Oil Refining » de Tyler Priest et « White-Collar Wildcatters and Wildcat Strikes: Oil Experts, Global Contracts, and the Transformation of Labor in Postwar Houston » de Betsy A. Beasley, permettent par contre d’avoir un intéressant aperçu de la trajectoire des travailleurs du pétrole états-uniens. Priest rappelle que si le sud des États-unis a toujours été considéré comme « une terre de mission » pour les syndicats américains, les raffineries de la côte américaine du golfe du Mexique ont été des bastions du syndicat OWIU, affilié au CIO. Priest donne notamment cette explication : « Réussir la syndicalisation dans le secteur pétrolier américain n’était réellement possible que dans le secteur du raffinage. Les travailleurs des champs pétroliers (…) étaient largement dispersés à travers les régions de production. Ils se déplaçaient de communautés en communautés, de champs en champs et de puits en puits, ne restant jamais dans un endroit assez longtemps, ou assez nombreux pour mener une lutte collective contre les patrons. Les raffineries par contre étaient des installations fixes et permanentes qui rassemblaient un grand nombre de travailleurs au même endroit. Elles étaient aussi le goulet d’étranglement des flux de pétrole allant des puits au consommateur. Si les travailleurs bloquaient une série de puits ou même un champ entier, la production pouvait toujours être maintenue ailleurs. Les grandes raffineries au contraire transformaient le pétrole brut venant de différents champ et régions. La cessation des opérations dans une seule d’entre elles pouvait sévèrement perturber les marchés du pétrole et réduire les profits de l’entreprise. A partir des années 30 la région de la cote du golfe était celle qui comptait les plus grosses raffineries, ce qui en faisait une cible prioritaire pour l’action syndicale. » Ombre au tableau de cette implantation réussie : même au zénith de sa puissance dans les années 50 et malgré ses proclamations officielles le syndicat ne parvint jamais à mobiliser ses militants et a fortiori les travailleurs pour abolir la barrière de couleur et le système de ségrégation dans l’emploi pourtant de plus en plus contesté par les travailleurs noirs et mexicains.

Le paradoxe étant, comme toujours, que cette division, certes savamment entretenue par les entreprises et diverses boutiques politiques et « syndicales » ne constitua au bout du compte pour ces ouvriers blancs qu’un bien maigre lot de « compensation hiérarchique » puisqu’après des années fastes dans la confrontation avec le patronat du secteur, l’orée des années 60 marque le début d’un abrupt déclin. Comme le retrace longuement Priest c’est la grève de 1962-1963 dans les raffineries Shell qui constitua  » un tournant décisif pour le travail syndiqué dans les raffineries américaines. La OWIU et la OCAW [son équivalent dans l’industrie pétro-chimique] étaient sorties victorieuses des années 40 et avaient affirmé leur influence croissante sur la détermination des salaires et les conditions de travail dans les années 50. L’épreuve de force avec Shell révéla néanmoins crument les limites de ce pouvoir syndical. L’OCAW perdit son plus efficace argument de négociation : la grève. Avec l’automation naissante, la menace de fermer les sites grâce à une grève s’avéra vite être une formule creuse et les syndicats entrèrent dans une ère de déclin progressif. Dans le même temps le personnel technique et d’encadrement appris durant cette grève à opérer les raffineries en l’absence de travailleurs ce qui limita le pouvoir de négociation de ces derniers sur tous les sujets. » Et la boucle fut progressivement bouclée, comme le conclut l’auteur : « Bien qu’à son apogée l’OWIU-OCAW se soit accommodée de la suprématie blanche, le déclin du syndicat fut compensé par certains acquis que les minorités finirent par arracher grâce à leurs luttes pour l’égalité sur le lieu de travail. A la fin des années 60, les décrets présidentiels interdisant les discriminations dans les organismes fédéraux forcèrent le management des raffineries à démanteler ce qui restait du système de travail à « deux vitesses ». Quand les minorités et les femmes gagnèrent finalement l’accès plein et entier aux emplois dans les raffineries, ces emplois n’offraient toutefois plus les avantages économiques et la sécurité dont avaient bénéficié les travailleurs blancs dans les raffineries syndicalisées une génération auparavant. Comme dans beaucoup d’industries américaines, la réduction de l’emploi dans les raffineries depuis les années 70 a sapé l’efficacité des mesures anti discriminatoires. Avec moins de jobs disponibles, la polarisation raciale s’est accrue et beaucoup de travailleurs blancs ont commencé à considérer que les syndicats faisaient partie de l' »establishment libéral » dont les programmes d' »affirmative action » donnent aux minorités des avantages injustes. » On a en quelque sorte ici un résumé expresse du « cycle américain » et de ses particularités, avec la centralité de la question « raciale » qui joue sur la précocité du repli des luttes et de la combativité ( pour le monde ouvrier le retournement a d’une certaine manière lieu dés 1965 et les émeutes de Watts), la longue agonie de la vieille coalition syndicalo-politique « progressiste » ( le « Hard Hat riot« , les émeutes contre le « busing » , etc) et une restructuration là aussi entamée plus tôt qu’ailleurs et peut-être plus immédiatement radicale ( dans l’automation comme dans les délocalisations). Même si au bout du compte l’ombre portée de ce délitement et de la restructuration produit les mêmes effets qu’ailleurs…

Le second texte de Betsy A. Beasley qui porte plus spécifiquement sur la capitale texane du pétrole, Houston, constitue un bon complément au texte de Priest. Son intérêt est notamment de se concentrer sur la trajectoire plus spécifique de cette ville dans les évolutions de l’industrie pétrolière dés lors que le pacte fordien est rompu. Pour Beasley  » le passage de Houston d’une ville à prédominance ouvrière à celle d’une ville de cols-blancs ne fut pas un accident de l’histoire : il s’agissait au contraire d’une stratégie délibérée poursuivie par les dirigeants des compagnies pétrolières qui cherchaient à faire rentrer dans le rang des travailleurs indisciplinés. » Cela fut facilité par l’internationalisation qui permit à la ville de prendre un nouveau rôle de pole logistique et financier de gestion d’une production plus que jamais transnationale. Comme une forme de prologue à ce nouvel âge, Beasley évoque également le tournant décisif de la grève de 1962-1963 chez Shell, car elle y voit une sorte de victoire des cols-blancs sur les cols-bleus : « Ces évolutions de l’industrie- l’investissement dans la lutte anti-syndicale, la priorité donnée aux cols-blancs et la relocalisation ailleurs des emplois cols-bleus d’extraction et de raffinage- culminèrent lors de la grève à Shell en 1962. (…) Pour Shell, la grève fut une « opportunité pour essayer de nouvelles manières d’opérer » Les agents de maitrise, les ingénieurs, les employés de bureau, les comptables, les secrétaires et les sténos prirent en charge l’usine, travaillent par garde de 12 heures sept jours par semaine. Le vice président de Shell chargé du personnel et des ressources humaines, John Quility, expliquait ainsi que l’enthousiasme de cols-blancs : » Les contremaitres, les ingénieurs ils veulent mettre leur main sur ces unités depuis des années. Ils ont voulu montrer à ces opérateurs qu’ils pouvaient les faire tourner. » On a là effectivement une forme pour le moins littérale de « tertiarisation » !

Dans le texte qui suit, « Heroic “Black Gold”? Working for Oil and Gas in the Western Siberian Oil and Gas Complex of the 1960–1970s », Dunja Krempin propose « une étude de cas du travail et des relations de travail dans le complexe pétrolier et gazier de l’ouest de la Sibérie dans les années 60 et 70. » Décrivant les modalités de recrutement puis d’installation et de travail sur place, elle détaille comment la propagande de l’ère brejnévienne, vantant plus un socialisme  » de welfare » que de « sacrifice », participe de la construction de la Sibérie comme nouvelle  » Frontière », ce qui n’empêchera pas cet énième mirage de bonheur par la planification d’être une fois plus dissipé par l’inertie des uns ( les différents échelons de la bureaucratie) et la mauvaise volonté combative des autres ( les travailleurs).

La troisième partie du livre « The Social and Urban Life of Oil » propose de se pencher sur la vie quotidienne des travailleurs du pétrole dans plusieurs contextes. Ainsi « Building an Oil Empire: Labor and Gender Relations in American Company Towns in Libya, 1950s–1970s » de Elisabetta Bini cherche à analyser les rapports qui se développent entre expatriés et autochtones dans les exploitations pétrolières américaines en Libye. S’inscrivant dans la foulée de Robert Vitalis, Bini rappelle que  » les firmes américaines exportaient en Amérique Latine, en Indonésie et en Arabie Saoudite un modèle qui prenait ses racines dans les lois Jim Crow [ de ségrégation raciale aux USA] avec ses principes  » de suprématie blanche, ses normes de discrimination et de ségrégation et à la marge, de réformisme paternaliste et raciste ». Un tel système s’inspirait et reproduisait les formes de ségrégation qui avaient caractérisé les industries minières de la « Frontière »(…). » Pour Bini les femmes blanches des travailleurs expatriés, enfermées toute la journée dans le camp et avec qui tout contact était interdit aux travailleurs libyens, étaient pourtant « érigées en symbole et en agents de la mission civilisatrice des corporations américaines. » Ne pouvant s’appuyer principalement que sur les souvenirs, futiles ou biaisés, de ces expatriés, Bini parvient néanmoins à faire ressentir l’étrange ambiance de cette ségrégation en plein désert et présente de surcroît une très synthétique histoire du secteur pétrolier libyen.

« Tapline, Welfare Capitalism, and Mass Mobilization in Lebanon, 1950–1964 » de Zachary Davis Cuyler est moins une analyse de la vie quotidienne qu’une (passionante) histoire des luttes ouvrières au sein de la société Tapline ( Trans-Arabian Pipeline) au Liban : « De 1950 jusque dans les années 60, Tapline fut un canal primordial pour les flots d’énergie et de capital allant de l’Arabie Saoudite via le Liban vers l’Europe et les États-Unis. A l’image du pipe-line, la compagnie Tapline bricola un système de management paternaliste qui garantissait le bien-être des travailleurs, répondait à certaines de leurs revendications et traitait les libanais comme égaux vis à vis de leurs employeurs américains tout en maintenant des disparités de pouvoir et de salaires. Pendant la première décennie d’opération de Tapline, cette stratégie empêcha avec succès la syndicalisation. » L’intérêt du texte c’est de mettre en lumière ni l’amont ni l’aval du pétrole mais les travailleurs employés dans le secteur intermédiaire de l’acheminement, ce qui ne les privait pas en l’occurrence d’efficaces moyens de pression comme s’en apercevra la direction de Tapline lors de la grève de 1964, initiée par les premiers militants syndicaux de l’entreprise : « Les vulnérabilités spécifiques de Tapline et du système de distribution d’énergie du Liban furent centraux dans le pouvoir des travailleurs libanais du pétrole. Bien que Timothy Mitchell soutient dans Carbon Democracy qu’à une échelle globale le pétrole tend à être distribué dans des réseaux flexibles, redondants, à l’échelle de l’État-nation libanais la distribution de pétrole ressemblait aux « reseaux denditriques » vulnérables et peu souples dont Mitchell considère qu’ils sont propres au charbon  » avec des branches à chaque bout mais un canal principal, créant ainsi des goulets d’étranglement à plusieurs jonctions ». Ce sont ces vulnérabilités tant de la société libanaise, que de l’exportateur et du consommateur en dernier ressort, qui permirent aux travailleurs de Tapline d’obtenir, en menaçant de couper le flux, et ce en plusieurs occasions et à différents points, la pleine satisfaction de leurs revendications sans qu’ils aillent toutefois jusqu’à réellement secouer « l’emprise paternaliste » (Cuyler) de l’entreprise.

Les deux derniers textes du recueil correspondent mieux au principe du chapitre puisque “Oil Is Our Wet Nurse”: Oil Production and Munayshilar (Oil Workers) in Soviet Kazakhstan » de Saulesh Yessenova retrace l’histoire soviétique et post-soviétique de l’exploitation du pétrole au Kazakhstan et le rapport ambigüe entretenu à son égard par les populations locales qui y étaient employées et « Doubly Invisible: Women’s Labor in the US Gulf of Mexico Offshore Oil and Gas Industry » de Diane E. Austin résulte d’une série d’entretiens avec des travailleuses des plates-formes offshores du golfe du Mexique.

A l’issue de la lecture de Working for Oil, dont on espère qu’il sera plus un ouvrage pionner qu’un feu de paille, on est tenté de revisiter certaines questions ouvertes par Timothy Mitchell dans son désormais classique, Carbon Democracy. Tout d’abord l’ouvrage démontre que malgré les conditions objectives ( différence dans l’acheminement, dans les circuits de commercialisation, dans le processus du travail, etc…) qui, chez Mitchell, faisaient que le charbon donnait aux exploités du secteur une force de frappe bien supérieure à celles des exploités du pétrole, et expliquait la substitution de l’un à l’autre, le secteur pétrolier n’en a pas moins été animé de nombreuses luttes partout dans le monde qui en ont profondément infléchi la trajectoire. Quant au rapport à la politique « nationale » ou internationale, là encore Working for Oil, montre que le choses ont été plus compliquées et il est probablement trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur ce point même si les exemples récents, le long de ce qu’on pourrait, un peu hâtivement, qualifier d’arc de crise pétro-prétorien ( Venezuela, Soudan, Algérie, Birmanie, etc) ne vont certes pas dans le sens d’un démenti de la thèse de Mitchell. Et plus généralement encore, la question du pétrole ne peut décidément plus se résoudre en sollicitant les vieux lieux communs ( pipe-line, cheiks, impérialisme, pétro-dollars, etc) puisque le renversement de son rôle, de grand fluidifiant ( de l’exploitation et de la consommation de masse puis de la financiarisation et de la globalisation) en cause de tous les maux et caillots sociaux ( pollution, crise de la suburbia, etc..), en ont fait « la corde dans la maison du pendu » des rapports de production et de reproduction au nord comme au sud.

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