Travail productif, question féminine et autres problèmes fâcheux. Réponse à « Temps Libre »

La revue québécoise « Temps Libre » (TL) consacre son numéro deux à la question de l’analyse de classe. Dans ce cadre, elle consacre toute une section à notre livre Le Ménage à trois de la lutte de classe (Éd. L’Asymétrie, 2019). Après quelques brefs compliments, TL s’efforce de montrer que notre théorie de la classe moyenne n’est pas correcte. Voyons ce qu’il en est.

La revue commence (première section) par une vue générale sur « l’actualité de la question des classes sociales ». Les auteurs revendiquent une approche « rigoureuse » de cette question, et s’attachent surtout à définir le prolétariat. On verra que cette définition, certes importante, joue un rôle crucial dans leur approche de la classe moyenne, puisque cette dernière se définit comme ce qui reste après avoir défini les deux autres classes principales de la société, les capitalistes et les prolétaires. Cela nous semble peu rigoureux, d’autant que l’analyse rigoureuse devrait consister à saisir comment « l’activité spécifique de ces groupes, de par la place qu’ils occupent au sein du rapport de production, participe à la reproduction contradictoire de l’ensemble » (p. 11). Dans le cas du mode de production capitaliste (MPC), TL distingue ainsi

« la classe qui produit la plus-value – le prolétariat – celle qui se l’approprie – la classe capitaliste – et celle qui ne constitue pas l’un des deux pôles de la contradiction principale de ce mode de production – la classe moyenne ». (p. 53)

On voit qu’ici la classe moyenne ne manifeste pas d’activité spécifique, mais est définie de façon simplement résiduelle. C’est un manque de rigueur si étonnant que TL tentera plus loin de corriger le tir…

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Un échange avec « Échanges » sur Le Ménage à trois de la lutte des classes

La revue « Échanges et mouvement » a publié une recension de notre livre Le Ménage à trois de la lutte des classes dans son numéro 173 (hiver 2020-2021). Elle peut être lue ici. Nous y avons répondu par un court texte paru dans « Échanges », n. 174 (printemps 202), que nous reproduisons également ici.


On devrait se féliciter que le numéro 173 d‘Échanges (hiver 2020-2021, pp. 54-56) consacre sous la signature de H.S. un article à notre livre Le Ménage à trois de la lutte des classes. Classe moyenne salariée, prolétariat et capital (Éd. L’Asymétrie, 2019). Malheureusement, la recension du livre est tellement pleine d’imprécisions, d’approximations et d’arguments spécieux, qu’il nous est impossible de ne pas y réagir.

Au préalable, on peut douter de l’assertion selon laquelle « il importe de savoir quels sont les initiateurs de ces ouvrages ». Il se trouve que notre livre est critiqué en même temps qu’un autre, signé par le collectif activiste Angry Workers of the World, dans le but évident de renvoyer les deux ouvrages dos à dos. Soit. Mais pourquoi serait-il important de savoir qui sont les auteurs ? N’est-il plus important de savoir ce qu’ils disent ? Nous verrons que H.S. a une façon bien à lui d’en rendre compte. Mais passons outre pour l’instant. Selon H.S., Bruno Astarian, l’un des auteurs du Ménage à trois, serait : 1) « un théoricien bien connu… » (c’est faux) ; 2) « …de la communisation, qu’il présente abondamment… » (notons que seules 16 pages sur 400 sont consacrées à la question de la communisation dans le Ménage à trois) ; 3) « …insistant sur le rôle de la théorie » – ce qui laisse entendre que, selon nous, la théorie aurait un rôle très important à jouer dans la lutte de classe (c’est faux, comme Astarian l’explique dans un article (1) « bien inconnu » de H.S., sans doute). S’il n’y avait que cette présentation à reprocher à H.S., on pourrait croire à une maladresse. Mais ce qui suit est dans le même registre.

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A lire : une recension du livre sur le site « Zones subersives »

A lire sur le site « Chroniques critiques. Zones subversives » une recension du livre sous le titre « Nouvelles révoltes et classes moyennes »

« De nombreuses révoltes éclatent à travers le monde, notamment depuis 2019. Mais ces mouvement restent traversés par des contradictions. La classe moyenne salariée s’appuie sur les grèves ouvrières pour porter ses propres revendications. Ces mouvements interclassistes préfèrent s’adresser à l’Etat plutôt que de remettre en cause l’exploitation. 

L’effondrement du mouvement ouvrier laisse place à de nouvelles formes de luttes. La classe moyenne salariée joue un rôle prépondérant dans ces nouveaux conflits sociaux. Pourtant ce groupe social reste peu analysé en raison de l’illusion de l’image d’une lutte des classes qui se réduit à un affrontement entre le prolétariat et la bourgeoisie. Les révoltes dans les pays arabes, les mouvements Occupy, ou le mouvement social de 2016 en France montrent l’importance de la classe moyenne salariée.

« Ce groupe social se caractérise par un sursalaire et une surconsommation, contrairement au prolétariat qui lutte contre l’exploitation. La classe moyenne salariée n’a donc pas les mêmes intérêts que le prolétariat et elle défend avant tout son sursalaire. Néanmoins, ces deux classes sociales participent aux mêmes révoltes sociales, parfois mêmes insurrectionnelles. Mais, dans ces luttes interclassistes, le prolétariat revendique une amélioration de l’exploitation et non son abolition. Ensuite, ces luttes interclassistes s’adressent à l’Etat bien plus qu’elles n’attaquent le capital. Une analyse de classe des révoltes sociales peut permettre de mieux comprendre leurs limites et de les dépasser.

Bruno Astarian et Robert Ferro livrent leurs analyses sur la classe moyenne et les nouvelles luttes. Ce sont deux figures incontournables de la mouvance de la communisation. Ce courant intellectuel et politique critique les impasses du mouvement ouvrier traditionnel. Différents courants (marxisme, anarchisme ou syndicalisme révolutionnaire) affirment la centralité de la classe du travail et proposent une propriété collective des moyens de production. Mais ce projet ne remet pas en cause la forme-marchandise, l’Etat, l’exploitation ou l’échange. Ensuite, ce programme n’est jamais parvenu à se réaliser. La contestation des années 1968 remet en cause ce vieux modèle. La communisation reste attachée à la révolution. Cependant, elle ne passe plus par l’affirmation du prolétariat mais par l’abolition de toutes les classes, sans période de transition. Bruno Astarian et Robert Ferro développent leurs analyses des nouvelles luttes sociales dans le livre Le ménage à trois de la lutte des classes. » La suite ici

Épisode 3 : Peut-on mettre une crise au congélateur ?

Le début de l’année 2021 présente un tableau contrasté. D’un côté des chutes énormes de PIB dans un très grand nombre de pays au cours de l’année passée, sans retour de l’activité économique au niveau pré-récession par la suite (pas de reprise « en V »). D’un autre côté une dynamique d’approfondissement rapide de la crise qui semble avoir été enrayée par des politiques monétaires et budgétaires prétendument tout-puissantes. Dans cet épisode nous nous proposons d’explorer ce paradoxe d’une crise réelle, mais semblant immobile, congelée. Il nous est encore impossible de répondre à la question de savoir si la crise commencée en mars 2020 va être la crise majeure, radicalement dévalorisatrice, que nous envisagions à la fin de Le Ménage à trois de la lutte des classes (L’Asymétrie 2019). Tout ce que nous pouvons faire pour l’instant c’est essayer de décrire les mécanismes à l’oeuvre dans la congélation de la crise, et d’en saisir les limites. Il faut ici souligner que le déclenchement d’une crise est lui-même, le plus souvent, un processus se déroulant par étapes. Lors de la crise dite « de 2008 », il fallut plus d’un an pour passer de l’effondrement des crédits subprime (juillet 2007) à la faillite de Lehman Brothers (septembre 2008).

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Une note de lecture d’Échanges

(« Échanges », n. 173, hiver 2020-2021, pp. 54-56)

Notes de lecture :
Le Ménage à trois de la lutte des classes, Bruno Astarian et Robert Ferro, Les Éditions de l’Asymétrie
Class power on zero-hours, Angry workers, PM Press

Cet article est la présentation critique de deux ouvrages traitant des luttes récentes des dix années écoulées et aujourd’hui. À première vue les deux ouvrages pourraient paraître complémentaires. Le premier (en français) traite de conflits et manifestations récurrents depuis des années, à caractère directement politique, et tente d’en retracer les objectifs et surtout la composition de classe. Le second (en anglais) parle de la lutte de classe traditionnelle, essentiellement dans les entreprises logistiques, notamment les entreprises de conditionnement alimentaire dans la banlieue londonienne proche de l’aéroport d’Heathrow, et extrapole ce résultat de leur activité sur le terrain pour l’ensemble de la classe ouvrière, débordant même d’ailleurs sur les questions de mouvements plus politiques et interclassistes traitées par l’ouvrage en français.

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Le problème de la classe moyenne salariée chez Astarian et Ferro

[Dans son deuxième numéro, paru en janvier 2021, la revue québecoise « Temps Libre » a publié un texte critique dédié à Le Ménage à trois de la lutte des classes.]

« La pertinence d’une théorie des classes du mode de production capitaliste repose sur sa capacité à produire des définitions permettant de rendre compte des luttes qui le structurent. Les luttes que les classes se livrent incessamment – parfois silencieusement, parfois à découvert – doivent trouver une explication au sein même du rapport contradictoire qui produit les classes sociales ; une théorie des classes doit être en mesure de présenter ces luttes comme le développement même de ce rapport. Une théorie dont les définitions conduisent à une conception du capitalisme comme une simple stratification sociale échoue à la tâche puisqu’avec celle-ci, le rapport que les classes entretiennent se réduit à une différenciation quantitative ; les prolétaires, ce sont les pauvres, la classe moyenne regroupe les personnes un peu plus fortunées et la classe capitaliste n’est pas autre chose que l’ensemble des riches. C’est le danger que court toute théorie qui fait de la distribution de la plus-value l’élément décisif de la définition des classes. Le niveau de rémunération d’un agent, parce qu’il explique son appartenance de classe, devient alors le seul élément réellement important pour l’analyse de classe. Conséquemment, la place des agents au sein des rapports de production et la contradiction qui structure et meut les formations sociales capitalistes n’ont plus qu’un rôle explicatif – au mieux – marginal dans l’analyse de cas concrets de lutte des classes. »

Lien vers le texte en PDF ( tiré du site Des nouvelles du front)

Accouchement difficile – Épisode 2 : Mars 2020 : le dollar-roi bientôt nu ?

« L’efficacité et la stabilité du marché des bons du Trésor américain est une question de sécurité économique nationale ». (D. Duffie)

Dans cet épisode, nous reviendrons sur une séquence à laquelle les commentateurs « critiques » de la crise-Covid se sont peu intéressés jusqu’ici, et qui pourtant est d’une importance historique. Il s’agit d’un événement complexe sur le marché américain des bons du Trésor, les Treasuries, qui pendant la deuxième semaine de mars s’est momentanément bloqué. Ce blocage a représenté une menace sévère pour le financement des déficits budgétaires de l’État fédéral, et manifeste les problèmes croissants auxquels est confronté le dollar comme monnaie mondiale.

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Accouchement difficile – Épisode 1 : Beaucoup d’argent pour quoi?

Nous entamons ici un journal de la crise qui a commencé au début de 2020 avec la pandémie du Covid-19. C’est un exercice périlleux en ce que nos analyses vont manquer de recul. L’écriture de l’histoire immédiate n’est parfois pas loin du simple commentaire d’actualité. Nous nous lançons quand même. Nous nous appuierons de temps en temps sur le dernier chapitre de notre ouvrage Le Ménage à trois de la lutte de classes, que ce soit pour infirmer ou pour confirmer les projections de la crise alors à venir, que nous tentions d’anticiper. Pour le reste, nos analyses se développeront dans le cadre normal de la théorie marxienne de l’accumulation du capital. L’apparition d’un virus plus dangereux que les autres ne change pas l’axiome de base : l’histoire du mode de production capitaliste est l’histoire de la lutte de classe entre prolétariat et capital. Toute crise manifeste un emballement dans ce rapport entre classes, plus ou moins critique selon les cas.

Évidemment, la première question qui nous est venue à l’esprit a été : la crise qui éclate est-elle la crise, non pas au sens de la crise « finale », mais au sens d’une crise suffisamment profonde pour poser la nécessité d’un changement d’époque : révolution communiste ou restructuration radicale du mode de production en place. Pour le moment, on en est pas là, comme on le verra dans les premiers épisodes. Mais avec le temps, ne va-t-on se rapprocher de plus en plus de ce point de bifurcation? C’est l’interrogation à laquelle nous serons sans cesse confrontés dans ce journal, car il y a longtemps déjà que le « monde d’avant » est gros d’un « monde d’après » – pas forcément celui dont il est question dans le discours politique et médiatique.

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Échange avec R.S. (Théorie Communiste), I° partie

Nous reproduisons ici le début d’un échange commencé sur le site dndf.org en avril 2020. Il s’agit d’un commentaire de R.S., membre du groupe-revue Théorie Communiste, suivi de la réponse de R.F. Le différend porte notamment sur la légitimité de la notion de sursalaire, que nous avons introduit dans Le Ménage à trois de la lutte des classes, pour définir le surcroît de valeur qui différencie les salaires de la classe moyenne salariée de ceux du prolétariat.
D’autres épisodes vont suivre.

R.F. – B.A.,
juin 2020

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Classe moyenne salariée et crise : lignes de démarcation

Classe moyenne salariée et crise : lignes de démarcation
R.F.
(février 2020)

Le texte qui suit est une version modifiée et rallongée de Classi medie e parole in libertà (1) – une réponse à la recension que Dino Erba (2) (dorénavant DE) a consacré au livre de Bruno Astarian et moi-même, Le ménage à trois de la lutte des classes, sorti en France au milieu de décembre 2019 (Editions de l’Asymétrie), et actuellement en cours de traduction en italien. Suite à plusieurs sollicitations, il m’a paru opportun de revenir sur le premier jet de ce texte-là, d’abord pour le rendre intelligible à un lectorat plus ample, étant donné que la recension de DE a circulé uniquement parmi ses contacts personnels et n’est pas, à l’heure actuelle, disponible sur internet. En deuxième lieu, le compte-rendu de Le ménage à trois… donné par DE a été repris par Michele Castaldo (dorénavant MC), qui s’en est saisi pour un texte ultérieur, Ceto medio e suo movimento in questa fase (3), sur lequel il m’a paru nécessaire m’étendre un peu plus. Continuer la lecture de « Classe moyenne salariée et crise : lignes de démarcation »